Les raisons d’une déraison
« De quoi Sarkozy est-il le nom ? ». Alain Badiou, philosophe maoïste, avait fait un retour remarqué sur le terrain politique avec la publication de ce pamphlet brillant. Sorti quelques mois après l’élection de Nicolas Sarkozy, l’ouvrage, s’il n’était pas très convaincant dans les réponses qu’il donnait à la question, fut la première manifestation d’une sarkophobie qui, dans la suite du quinquennat, allait atteindre des records. François Hollande nous démontrera par la suite, que les records étaient faits pour être battus. Mais l’objectif de Badiou était l’explication d’une adhésion qui avait offert à Nicolas Sarkozy une élection assez large. Celle-ci n’était pas uniquement due à la nullité de la candidate que le parti socialiste avait cru nécessaire de lui opposer. Pourtant, cette adhésion se transformera par la suite en un rejet massif qui donnait des écarts de 20 points avec François Hollande dans les sondages à deux mois de l’échéance de 2012. L’écart final réel fut étroit, car lorsque l’on est dans l’isoloir, le vote à une élection présidentielle redevient chose sérieuse. Pourtant, le rejet a quand même en partie fonctionné et l’élection de François Hollande est bien une élection par défaut. On aurait pu penser alors que la sarkophobie souvent primaire et parfois compulsive dont l’ancien Président avait été l’objet allait s’apaiser une fois celui-ci parti. Eh bien pas du tout ! C’est pire. Il continue à exercer une trouble fascination pouvant confiner parfois à la névrose.
Je crois nécessaire à ce stade, de prendre une petite précaution. Je n’ai jamais aimé l’homme politique Sarkozy. Il incarne un courant que j’ai toujours combattu et une manière de faire de la politique qui m’est étrangère. Je n’ai jamais voté pour lui, et même si l’équation de 2002, où je n’avais eu aucun mal à voter Jacques Chirac, se représentait en 2017, il est tout à fait possible que je me dispense du vote antifasciste cette fois-ci. C’est dire…
Je reste pourtant vraiment interloqué par les réactions étranges que l’ancien président continue à provoquer. Le feuilleton des gardes à vue et mises en examen à grand spectacle de la semaine dernière a permis d’illustrer une fois de plus la typologie particulière de ses ennemis. Répondons rapidement à la question de savoir si l’ancien Président fait l’objet d’un traitement judiciaire particulier. C’est l’évidence. La scansion chronologique des procédures qui, de près ou de parfois très loin, le concernent, la nature des incriminations, leur nombre, le caractère parfois carrément artificiel de celles-ci l’établissent suffisamment. Les acrobaties permettant de le rattacher à des affaires qui lui sont étrangères, tout cela montre bien qu’il est une cible prioritaire. Et puis il y a les libertés prises avec les principes du procès pénal équitable. Écoutes téléphoniques à large filet maillant dérivant, violation du secret professionnel des avocats, garde à vue inutiles, mises en examen nocturnes (?). Juges d’instruction dont on dit, sans qu’il y ait de réaction, qu’ils n’instruisent pas mais qu’ils « construisent » (à charge et à décharge ?). Ou en décrivant par le menu l’inimitié personnelle qui les oppose au justiciable Sarkozy. L’origine de ce traitement particulier est un autre débat. Affaire d’État, vous diront les amis de l’ancien Président, fonctionnement normal de la justice, vous diront les hypocrites, procédures justifiées par ses turpitudes, vous diront les autres. De toute façon, en l’état actuel, ce débat ne mènera à rien, trop d’intérêts convergents et de raisons objectives emmènent Nicolas Sarkozy, et maintenant ses amis, dans la seringue.
L’énorme impopularité du pouvoir socialiste dont les catastrophes électorales du printemps ont été le reflet provoque fort normalement chez ses dirigeants des angoisses. Notons au passage que l’instrumentalisation médiatique des affaires n’a eu aucune influence sur le vote. Ce qui n’a pas dû surprendre Patrick Balkany et Jacques Mellick. Alors il y a ceux qui craignent son retour, d’autant plus, qu’ils se savent faibles, et que cet adversaire-là est dangereux. Alors, si la justice pouvait nous en débarrasser… En attendant, on va tout faire pour le disqualifier. Comme Michel Sapin par exemple, qui respectant autant la présomption d’innocence que l’avait fait Sarkozy pour Colonna ou Villepin, et oubliant tout sang-froid, le traite publiquement de « malfaiteur ». Les autres seconds couteaux (voir carrément premiers) n’étant pas en reste, n’expriment à cette occasion que leur peur de le voir revenir.
Et puis, il y a les gens de la famille. Ceux qui entendent bien profiter de l’occasion. Qui ont bénéficié du règne, et pour lesquels leur ambition et l’aversion qu’ils ont pour le personnage qu’il a fallu supporter, l’emportent sur la reconnaissance pour les prébendes reçus. Alain Juppé piteusement défait aux législatives de 2007 dont on avait refait un ministre d’État, n’hésitera pas à accuser Nicolas Sarkozy de ne pas respecter l’État en critiquant la justice. Pour ceux qui se rappellent son attitude à l’audience du tribunal correctionnel de Nanterre, ou ses réactions lorsque le procureur de Paris lui avait demandé de déménager de la rue Jacob, cette intervention prend une certaine saveur. Il sera suivi sur ce terrain par Jean-Louis Debré, oubliant que pour Jacques Chirac il avait dit exactement le contraire. Soyons charitables, et ne parlons pas de François Fillon ou de Xavier Bertrand.
Et puis, il y a les autres, tous les autres, tous ceux qui le détestent, sont terrorisés à l’idée de le revoir en politique et ne comprennent pas qu’il ne soit pas déjà en prison. J’ai, dans cette catégorie-là, plein d’amis, avec lesquels la discussion est impossible. Leur rapport au réel en est modifié. Lorsque l’on argumente sur l’instrumentalisation des médias et de la justice, lorsque l’on avance des faits ou des éléments concrets, des informations irréfutables, il y a toujours une explication. Le corporatisme des avocats, l’insoupçonnabilité évidente des magistrats du mur des cons, le caractère sacré du journalisme d’investigation etc, etc… Et l’on n’est pas loin d’entendre la phrase : « avec Sarkozy, la fin justifie les moyens, on a le droit ». La lecture des commentaires d’articles ou de Facebook, y compris de la part de gens par ailleurs intelligents et pondérés, renvoie plutôt à l’éructation qu’à la réflexion.
C’est cette troisième catégorie qui est la plus curieuse. Pour les deux autres, on ne voit s’exprimer au fond, que des sentiments très humains. En revanche, je reste interloqué par l’aversion provoquée par quelqu’un, certes peu sympathique, homme politique médiocre comme l’époque en produit, mais que l’on connaissait et pratiquait depuis déjà longtemps. Que son passage à l’Élysée en ait fait ce repoussoir, suscite quand même une grosse interrogation. Serait-ce parce que, abaissant la fonction présidentielle, il a tué le premier corps du Roi ? Son plus grand péché serait-il un régicide ?
Mais c’est là le premier argument que je mettrais en avant, auprès des Sarkophobes compulsifs. François Hollande, qui l’a remplacé dans la fonction, a été plus loin. Le premier corps du Roi est désormais en état de décomposition avancée. Et à la haine a succédé le mépris rageur. Pas sûr que ce soit mieux. Manuel Valls n’a pas tort de parler de Berlusconisation de la politique française. Au rythme d’une ouverture d’information judiciaire par jour, le seul moyen désormais pour Nicolas Sarkozy d’échapper à cet acharnement sera de se représenter en 2017. Pour probablement être réélu. Ce qui n’est pas vraiment une bonne nouvelle.
Vous êtes des Pourris, mais surtout des « trouillards » car vous êtes dans l’impossibilité d’expliquer votre « Haine » sinon de croire que vous avez tous les Droits. La FRANCE EST UN PAYS QUI MERITE D’ETRE RESPECTER
Pour quelqu’un qui affirme ne pas aimer le personnage, votre plaidoirie, talentueuse et subtile est un modèle du genre d’un parti pris flagrant. Pourquoi ne pas ne pas citer des personnalités politiques qui sont montés au créneau tels Gaino, Morano et autres dont les réactions intempestives à l’encontre de la justice et du magistrat instructeur laissent pantois. Sans parler des journalistes et des commentateurs qui dans les plateaux jouent aux procureurs et vont jusqu’à menacer leurs invités à l’instar d’un Bourdin, jouant sur tous les registres de la dissuasion, n’était pas loin de contraindre M.Takieddine a retirer les propos à charge concernant cette affaire
« Le Président fait l’objet d’un traitement judiciaire particulier. C’est l’évidence ». S’il m’arrivait d’avoir affaire à la justice, j’aimerais être traité comme Sarkozy l’a été. A-t-on jamais vu une personne en garde à vue obtenir le droit de rentrer dormir chez elle ??? Voit-on souvent des mis en examen avoir le droit de se défendre le soir même sur une chaîne TV bien écoutée ?
Oui, c’est bien d’un traitement particulier dont il s’agit mais ce traitement est plutôt favorable, il me semble.