Les erreurs de jugement de Xavier Bertrand

White Night Riot, SF City Hall, May 21, 1979

 

Ni laxisme ni peines d’exception

Monsieur Xavier Bertrand est fâché. Il trouve qu’à la suite des émeutes de Barbès et du pogrom de Sarcelles, la justice n’est pas assez sévère. Est-il sincère ? Ou bien essaye-t-il seulement d’en profiter, pour exister dans l’espace médiatique dans la perspective de l’élection présidentielle de 2017 à laquelle la rumeur prétend qu’il souhaiterait se présenter ? Trahir et vilipender ses amis politiques constituant probablement un viatique insuffisant, il a dû penser qu’un peu de démagogie, cela ne pouvait pas faire de mal. Quitte à prouver une fois de plus l’analphabétisme juridique et judiciaire de nos « élites » politiques.

«Je suis étonné. Avoir de telles condamnations, avec du sursis ou une relaxe… pour moi il n’y a pas assez de sévérité… ceux qui veulent défier l’ordre public, ceux qui veulent défier la République, ils doivent être sanctionnés. Et une sanction, à mes yeux, ce n’est pas du sursis, ce n’est pas une relaxe.»

Monsieur Bertrand n’a absolument aucune idée de qui a été jugé, et pour quels faits. Qu’importe, pour lui, le juge doit sanctionner non pas des faits établis commis par les gens qu’on lui présente, mais les images qu’il a vues à la télévision. « La sévérité… ce n’est pas une relaxe. » Donc, pour notre impétrant aux plus hautes fonctions, être sévère pour le juge c’est condamner un innocent ? C’est curieux, pour les magistrats du siège, la relaxe est la conséquence de l’absence de charges suffisamment établies, en application des règles universelles qui gouvernent le procès pénal. Pour Monsieur Bertrand, il faut être sévère et condamner  des innocents. Parce que cela fera réfléchir les autres ? Conception intéressante, qui en dit long sur la culture démocratique de l’ancien ministre.

Il s’étonne également des condamnations avec sursis. A-t-il assisté à l’audience ? A-t-il consulté les dossiers ? Connaît-t-il précisément les faits incriminés ? Connaît-t-il les prévenus ? Rien de tout ça, mais il sait mieux que les magistrats qui ont fait cet effort d’appréciation, qui il faut incarcérer.

Rappelons comment s’effectuent souvent les arrestations dans les manifestations qui ont dégénérées. Les forces de l’ordre doivent d’abord disperser en les affrontant les manifestants violents qui peuvent parfois être très nombreux. Ce n’est déjà pas un boulot facile. Ensuite il faut essayer d’attraper ceux que l’on a aperçus en train de commettre des exactions. Dans les fumées des gaz lacrymogènes, le bruit, les hurlements, ce n’est pas non plus une tâche aisée. Alors, on en attrape quelques-uns, mais ce sont rarement les bons. Les plus déterminés, les plus organisés et les plus violents sont aussi souvent ceux qui courent le plus vite. Ceux qui se font prendre sont plutôt ceux qui se sont laissés entraîner par la dynamique de groupe,  les maladroits, ceux qui sont venus sans intention d’en découdre mais dont l’occasion a fait le larron. Ensuite, les forces de l’ordre, toujours elles, après avoir couru, doivent ficeler (bricoler) des dossiers dans l’urgence, puisqu’on est en procédure de flagrant délit et que les personnes arrêtées seront jugées le lendemain.

Tiens Yacoub, 18 ans vient d’avoir son bac, jamais condamné, vient de signer un CDI chez Mac Do pour financer ses études. Sorti de chez lui à Sarcelles pour aller acheter du pain dit-il. Plus probablement pour aller voir. Il a ramassé quatre paquets de cigarettes par terre abandonnés par ceux qui avaient pillé le bureau de tabac. Ses parents atterrés sont dans la salle, il écoute en pleurant le cours de morale du procureur. Il veut faire quelque chose pour réparer les dégâts bar tabac dont il connaît le propriétaire. 50 jours-amende, et demain matin à la première heure il sera à son boulot. Alors, Monsieur Bertrand, neuf mois fermes à Cayenne, cela aurait été plus intelligent et équitable ?

À cette même audience, les autres comparutions ont abouti à des peines de prison ferme allant au-delà des réquisitions du parquet…. On n’en a pas fini avec cette justice laxiste.

Les forces de l’ordre et la Justice doivent  faire avec les moyens qu’elles ont et assumer une mission qui n’est pas simple. Mais elles ne sont pas responsables de la situation décrite  par Elie Barnavi.

Quelqu’un comme Monsieur Bertrand associé au pouvoir depuis déjà longtemps, l’est beaucoup plus. C’est probablement pour cela qu’il se permet de proférer ses âneries irresponsables.

Régis de Castelnau

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