Le retour annoncé du futur ex-président
Nicolas Sarkozy est très fort. Toute sa carrière le prouve. Sa prise de la mairie de Neuilly-sur-Seine à 29 ans, son émergence dans le sillage de Jacques Chirac avant de le trahir et de faire un petit tour au purgatoire, son sacrifice des européennes de 98, son retour au début des années 2000, ses insolences calculées, sa fausse confrontation avec Jacques Chirac, sa victoire de 2007, où il fut le premier et jusqu’à présent le seul, à faire reculer significativement le Front National, tout cela témoigne non seulement d’une solide énergie mais également d’une vision politique acérée. L’on aurait pu penser après le 6 mai 2012 qu’il avait perdu la main. Eh bien pas du tout. Cette défaite était le premier acte d’un processus dont son passage aux 20 heures de France 2 dimanche soir sera une étape. Qui le ramènera à l’Élysée. Pour un petit moment.
Quelle a été cette stratégie qui se dévoile maintenant sous nos yeux ?
L’adoption du quinquennat présidentiel et l’inversion du calendrier des législatives désormais couplées aux présidentielles ont provoqué une dénaturation de la constitution de la Ve République. Il y avait un débat pour essayer de traiter ce problème. Un mandat unique de sept ans disaient les uns, limitation à deux mandats successifs de cinq ans disaient les autres. C’est cette solution qui fut adoptée et inscrite dans l’article 6 de la Constitution. Le problème qui lui fut posé alors, était que s’il était réélu en 2012, sa carrière serait définitivement terminée en 2017. Et il se retrouverait à s’emmerder comme un vulgaire Bill Clinton.
Comment faire ? Il y avait bien la méthode Poutine. Celui-ci a effectivement trouvé une bonne combine. La constitution russe prévoyant une limitation à deux mandats successifs de quatre ans, il a fait élire son Premier Ministre, Président à sa place au bout de ses deux premiers mandats. Devenant à son tour le Premier Ministre de Medvedev. Qui lui a gardé la place au chaud, réintégrée à l’élection présidentielle russe suivante. Problème, la manip est un peu « gros doigts » comme on dit à l’île de la Réunion. Et puis on sait que François Fillon n’aurait pas fait l’affaire…
En fait Nicolas Sarkozy a trouvé beaucoup mieux. Il a laissé monter son impopularité à la fin de son premier mandat pour atteindre selon les sondages au mois de février 2012 un joli 60/40 au profit de François Hollande. Cet adversaire, personne ne le connaissait vraiment, et surtout pas les militants participants à la primaire du Parti Socialiste. Ils ont choisi celui que les sondages, évidemment et comme d’habitude téléguidés, leur désignaient. Nicolas Sarkozy le connaissait, lui. C’était toute l’astuce. Suivit une campagne bien menée pour amener à une victoire du candidat socialiste finalement assez étriquée. Sarkozy, connaissant très bien la situation, savait ce qui attendait Hollande.
La catastrophe prévue a été immédiate ! Pas d’état de grâce pour l’ancien maire de Tulle. Une conjoncture difficile, les capitulations socialistes usuelles venant très tôt, une équipe ministérielle calamiteuse, un premier Ministre transparent, l’affaire Cahuzac inévitable, et surtout un Président complètement dépassé par la fonction. Une bérézina électorale colossale aux municipales que tout le monde voyait arriver sauf le Président qui pensait « enjamber » l’échéance.
Un changement de gouvernement qui dure moins de 100 jours. Et une rentrée qui oblige à constater que la capacité de François Hollande à transmuter tout ce qu’il fait en catastrophe en fait quand même un alchimiste rarement vu en politique. Le Parti Socialiste n’existe quasiment plus. Il a perdu 30 000 élus et 4000 permanents au mois de mars, il va perdre la présidence du Sénat, et prendre deux raclées électorales l’année prochaine puisque le Premier Ministre a eu l’idée saugrenue de découpler les élections locales.
L’opposition de droite quant à elle a fait ce qui était prévu après le départ du chef. Tout le monde sait très bien que, dans les partis, plus personne ne fait de politique. Ce ne sont plus que des conglomérats d’ambitions. Jean-François Copé et François Fillon se sont déchiquetés, tous les coups étant permis. L’UMP est en lambeaux, et dans l’incapacité de conduire une opposition responsable et d’amener, sorti de ses rangs un candidat crédible et rassembleur aux présidentielles de 2017.
S’inspirant de Ferdinand Foch et de sa célèbre maxime : « la gauche est enfoncée, la droite recule, situation excellente, j’attaque ! », Nicolas Sarkozy voit s’ouvrir devant lui le boulevard qu’il avait prévu. « La France va mal, très mal, la gauche est détruite, disqualifiée pour 30 ans, la droite est déboussolée. Situation excellente, je reviens ! La France et la droite ont besoin d’un chef, me voilà ».
Il va prendre l’UMP, la transformer à son goût. Il sera candidat en 2017 et gagnera l’élection présidentielle. Parce qu’à droite, il n’y aura pas de candidat capable de lui disputer le leadership en bénéficiant de l’expérience et des moyens d’un grand parti, celui qu’il aura rénové à sa main. Parce qu’il n’aura pas d’adversaire à gauche. François Hollande ne sera pas en mesure de se représenter, et on ne voit guère qui serait susceptible de le suppléer sans véritable parti, sans élus locaux, sans tissu local. Ni Manuel Valls ni Arnaud Montebourg, ni Martine Aubry n’ont la moindre chance. D’être deuxième derrière Marine Le Pen. Car celle-ci sera devant au premier tour. Et Nicolas Sarkozy est le seul capable de la battre au second. Ce sera l’enjeu majeur. La question de la défaite de la gauche est déjà réglée.
Alors, on nous dira que Nicolas Sarkozy rattrapé par « les affaires » ne pourra se présenter. Soyons sérieux. L’essentiel des affaires reprochées aujourd’hui sont des constructions artificielles. L’instrumentalisation de la justice à des fins politiques a été utilisée jusqu’à la corde. Cette méthode pour essayer de se débarrasser l’ancien Président de la République par refus de l’affronter politiquement est arrivé au bout. Les derniers épisodes, les gardes à vue inutiles, des perquisitions à la Cour de Cassation (!), les écoutes téléphoniques de conversations entre avocats et clients, la recherche des fadettes des magistrats du pôle financier, tout cela a mis une ambiance assez particulière au sein de l’appareil judiciaire. Celui-ci commence à être lassé de ces rodéos, et mesure l’intérêt qu’il y aurait à retrouver de la sérénité et à rétablir un minimum de régularité juridique. Et de toute façon, aucune procédure ne pourra être menée au bout avant le mois de mai 2017. Et après, immunité présidentielle.…
Vous avez aimé Sarkozy I, vous allez adorer Sarkozy II. Sauf que, comme le dit la vendeuse de chez SFR dans la publicité : « c’est pas fini ». Il y aura un Sarkozy III. En application de la Constitution, Nicolas Sarkozy pourra se représenter en 2022. La gauche ne s’étant pas remise, son seul véritable adversaire sera le Front National. Deux observations : le Front n’est jamais aussi fort que quand la gauche est au pouvoir, et il est douteux que Sarkozy reproduise l’erreur de son premier mandat. En 2027 à la fin de son troisième séjour à l’Élysée, il aura 72 ans. L’âge qu’aura Alain Juppé pour l’élection de 2017.
Alors vous me direz que tout ceci est fortuit, que Sarkozy n’a fait que s’adapter aux circonstances. Qu’il ne peut s’agir d’un plan machiavélique imaginé en 2010 ou 2011. Cette hypothèse n’est pas raisonnable. La mienne est beaucoup plus élégante, nous assistons à la mise en place d’une mécanique implacable où chaque détail a été pensé, et dont le résultat est inéluctable.
Chapeau l’artiste ! Petit joueur Vladimir…
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