Gaspillage d’argent public, mépris de la démocratie et du droit, la « Madone du Poitou » fidèle à elle-même.
Ségolène Royal est une femme politique assez surprenante. Incontestablement elle a été la première à transformer l’action politique en communication pure. Mais elle a porté cette méthode à des niveaux inégalés ce qui fait qu’elle bénéficie encore d’un surprenant crédit. Tout le monde connaît cet autoritarisme cassant qu’elle essaye de faire passer pour de l’efficacité et son étonnant culot qu’elle travestit habilement en courage, en « bravitude », comme disent les rancuniers. Ce crédit n’a pas échappé à Patrick Mennucci député de Marseille qui fut son porte-parole dans la campagne présidentielle de 2007, et que son brio intellectuel fit surnommer « Ségolin ». Profitant de la catastrophe politique que vient de subir François Hollande, il la voit candidate du Parti socialiste en 2017.
Désinvolture démocratique
Malheureusement, cette ambition risque d’être contrariée, d’abord parce qu’elle s’oppose au scénario concocté par la caste et auquel il sera difficile d’échapper, à savoir le sacre du couple Juppé/Macron. Ensuite les barrages d’artillerie à base de livres de révélations opportunément publiés viennent avec Nicolas Sarkozy et François Hollande de prouver leur efficacité. « La Madone du Poitou » va y avoir droit sans passer son tour, et cela risque d’être un peu chaud. Surtout qu’il y a ce curieux rapport à l’argent, qui semble l’amener à partager l’opinion faussement prêtée à François Hollande selon laquelle « cela ne coûte rien quand c’est l’État qui paye ». Il y a enfin une étonnante désinvolture vis-à-vis des règles de l’État de droit et du fonctionnement de la démocratie.
Sauvée par la fusion des régions
La région Poitou-Charentes a eu de la chance. La fusion avec l’Aquitaine et le Limousin lui a évité la cessation de paiement et la mise sous tutelle par le Préfet et la Chambre Régionale des Comptes. Alain Rousset successeur socialiste à la présidence de la grande région a constaté avec effarement l’état déplorable des finances de la collectivité présidée par Ségolène Royal et a commandé un audit qui a relevé d’après ce que nous dit la presse, 132 millions d’euros de factures impayées et autour de 100 millions d’euros d’emprunts toxiques ! Bigre, et comme les magistrats de la CRC ont pris le relais du contrôle, on entend prononcer de bien vilains mots comme « gestion de fait », « mandats fictifs », « Cour de discipline budgétaire et financière » voire pire. Ségolène Royal a répondu comme d’habitude : « c’est une manipulation politique et on me critique parce que je suis une femme ». Pas sûr que ce genre de ficelle soit encore très efficace.
Concernant cette désinvolture dans le maniement de l’argent public, il n’y a pas lieu d’être surpris lorsque l’on se rappelle dans quelles conditions elle avait réglé le problème Ecomouv. Il s’agissait d’un dispositif installé sur l’ensemble du territoire national et permettant la perception d’une taxe sur les poids-lourds afin de répercuter les conséquences du tout-camion sur les infrastructures routières. Face aux manifestations de rejet des transporteurs au moment de la mise en place, Ségolène Royal nouvelle ministre de l’environnement maître d’ouvrage de l’opération choisit immédiatement la capitulation. Exit donc ECOMOUV et pieux silence sur la facture pour l’État de la plaisanterie. Évaluée aujourd’hui à environ 2 milliards d’euros en coûts directs et indirects, ce qui convenons-en, n’est pas très cher payé pour la tranquillité politique de la Princesse Royal…
Ségo se sent pousser des ailes
Mais, devant la déconfiture de son ex-compagnon, voilà que la ministre de l’Environnement en exercice se sent repousser des ailes et se verrait bien en recours de la gauche pour la présidentielle. Et immédiatement elle se pare d’un vernis écolo et propose d’abandonner le projet de Notre-Dame des Landes. Avec un aplomb en acier trempé, elle n’hésite pas à nous asséner« Devant le blocage sur le terrain, il vaut mieux arrêter les frais. » Arrêter les frais ! Oh la jolie formule, qui montre bien à quel point, dès lors qu’il s’agit de ses petits intérêts narcissiques, l’argent public n’est qu’une vulgaire contingence.
L’implantation de cet aéroport a fait l’objet de procédures administrative, minutieuses et fort longues, menées à terme et deux grands contrats ont confié la partie opérationnelle de la construction et de la gestion à des sociétés privées. Dans ces montages, la puissance publique bénéficie d’un privilège exorbitant du droit commun. Elle peut décider de résilier les contrats pour un motif d’intérêt général qu’elle apprécie souverainement. Mais il y a une contrepartie, puisqu’il faut indemniser les opérateurs privés, de toutes leurs dépenses et investissements non amortis, mais également leur payer le bénéfice qu’ils auraient réalisé si l’opération s’était faite et le contrat exécuté. Elle n’est pas belle la vie ? Si l’on arrête les frais comme le demande Ségolène Royal, il faudra prévoir quelques menues dépenses pour le contribuable, environ 3 milliards d’euros.
Vox populi, vox…
Ségolène Royal est d’une folle générosité avec l’argent des autres, mais professe également un souverain mépris pour les procédures administratives qui ont cours dans un État de droit. Comme on l’a dit, le droit français prévoit des procédures particulières pour la réalisation des projets d’infrastructures publiques petites ou grandes. Les maîtres mots de ces procédures sont: études préalables, concertations, études d’impact, déclarations d’utilité publique, permis d’aménager, permis de construire, procédures d’appel d’offres, signatures de contrats, délégations de service public, etc. Toutes les décisions prises par les autorités publiques ont fait l’objet de recours judiciaires. Près de 150 décisions juridictionnelles ont été rendues confirmant la régularité des procédures. Non seulement l’État l’a voulu, mais toutes les collectivités locales concernées par cet équipement l’ont soutenu et continuent de le faire. Les travaux auraient dû commencer en 2012. Les contraintes du bricolage politique de Martine Aubry ayant donné à EELV une place institutionnelle sans commune mesure avec sa représentativité politique, ont provoqué toutes les tergiversations qui fait que cinq ans plus tard rien n’a bougé. François Hollande avait imaginé un subterfuge pour faire plaisir à Emmanuelle Cosse, organiser un référendum dans un périmètre concerné par le nouvel équipement. Le résultat a été clair et net, une majorité s’est dégagée en faveur de la réalisation du projet. On sait depuis le référendum sur le TCE en 2005, le saint respect des élites socialistes pour le suffrage universel. Ce ne peut donc être une surprise de voir la facilité avec laquelle Ségolène Royal s’assoit sur une décision populaire. Mais en fait, ce qui est beaucoup plus grave c’est le souverain mépris qu’elle affiche pour l’autorité de l’État, qu’elle devrait pourtant s’efforcer d’assurer. Celui-ci est le maître d’ouvrage de cette opération qui a rempli toutes les obligations juridiques et par conséquent démocratiques pour être réalisée. Passer outre toutes ces procédures légales, toutes les décisions régulières, l’avis des collectivités locales représentatives, tout cela pour complaire à une minorité, est plus qu’une mauvaise action, une imposture. Qui pulvérise les principes généraux du droit que sont « le principe de sécurité juridique et le principe de confiance légitime » dont les citoyens sont fondés à attendre le respect.
Manuel Valls qui nourrit les mêmes ambitions que sa ministre de l’environnement, d’être le recours présidentiel de la gauche, a d’abord réagi, comme d’habitude par un martial coup de menton. Avant de courageusement prendre un virage sur l’aile, lui qui avait promis que les travaux commenceraient à l’automne 2016 vient d’annoncer qu’ils étaient reportés à l’automne 2017. C’est-à-dire quand il ne sera plus aux manettes, débrouillez-vous avec le problème, d’ici là, Manu a besoin de passer pour un écolo.
Ces gens-là nous auront tout fait.
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