Napoléon Bonaparte, blanc raciste et homophobe ?

Le 15 août dernier, c’était la Saint Napoléon. Personne ne s’en est préoccupé en dehors de quelques passionnés qui se sont scandalisés du silence officiel. C’était pourtant une date importante en cette année 2019 que le 250e anniversaire de la naissance de l’Empereur.

Napoléon connais pas ?

Oui mais en France, on n’aime plus Napoléon, enfin les élites ne l’aiment plus. Pleines de leur moraline douceâtre, et soucieuses d’obéir aux injonctions de l’indigénisme communautariste, elles rendent invisible une figure qui ne cesse pourtant de fasciner le monde entier. Et chez nous, il devient de bon ton de l’ignorer ou de la vilipender. Dans ce domaine, la palme de l’hypocrisie revient à Dominique de Villepin auteur comme littérateur d’un ouvrage sur « les 100 jours » et refusant comme premier ministre la commémoration de la bataille d’Austerlitz. Celle du contresens à Lionel Jospin avec son pénible « Le mal Napoléon », ou  l’austère qui se marre  s’efforce pesamment de nous convaincre que l’empereur était trop méchant. De mon côté, j’ai un petit souvenir personnel qui témoigne de ce qui a pu devenir carrément de la désinvolture. Les autorités de l’île Maurice où j’ai quelques connaissances, m’avaient saisi à l’occasion d’un de mes séjours de leur projet d’organiser une belle commémoration pour le bicentenaire de la bataille de Grand-Port qui s’était déroulée devant leurs côtes les 20 et le 27 août 1810, seule victoire navale de Napoléon contre les Anglais. Muflerie diplomatique, malgré ses démarches officielles, le gouvernement mauricien ne reçut même pas de réponse.

Cette attitude provoque la stupéfaction à l’étranger où ce moment de l’Histoire de France a toujours autant d’importance et continue toujours autant à fasciner. Parce qu’issu de la Révolution Française, Napoléon Bonaparte est un des plus grands personnages de l’Histoire de notre pays et par conséquent de celle du monde. Mythe ou réalité, on raconte qu’il s’est publié plus d’ouvrages sur lui que ne se sont écoulés de jours depuis sa mort, ce qui nous amène aujourd’hui à plus de 72 000…

Un songe si prodigieusement rempli

Jamais on n’a vu une telle accélération de l’histoire, de tels événements, de tant de bouleversements, et d’effondrements dans une période aussi courte que ces 25 ans qui séparent l’ouverture des États généraux et le retour de Louis XVIII. Et écoutons Jacques Bainville, nous dire que pour Napoléon ce sera « 10 ans, quand il y en a 10 à peine qu’il a commencé à sortir de l’obscurité rien que 10 ans et ce sera déjà fini…. Le temps l’a pris par l’épaule et le pousse. Les jours lui sont comptés. Ils s’écouleront avec la rapidité d’un songe si prodigieusement rempli. » C’est Nietzsche chez qui, Napoléon avait quitté l’objectivité pour investir l’imagination incarnant pour le philosophe « l’idéal antique en chair et en os, l’idéal noble en soi, une synthèse d’inhumain et de surhumain ». C’est Hegel qui prétendit dégager la signification philosophique de la politique napoléonienne et écrivit après Iéna : « J’ai vu l’Empereur- cette âme du monde – sortir de la ville pour aller en reconnaissance ; c’est effectivement une sensation merveilleuse de voir un pareil individu qui, concentré ici sur un point, assis sur un cheval, s’étend sur le monde et le domine ». Beethoven qui lui consacre une symphonie. C’est Roland Barthes regardant le daguerréotype de Jérôme Bonaparte, le frère mort sous le Second Empire et disant fasciné « je vois les yeux qui ont vu l’empereur ». C’est Zhou Enlaï répondant en 1970 à Malraux lui demandant ce qu’il pensait de la Révolution française et qui disait humblement : « il est trop tôt pour en parler ». Innombrables sont les exemples de cette fascination chez les plus grands esprits, et que dire de la passion parfois obsessionnelle massivement partagée dans le monde entier.

Mais dans la France d’aujourd’hui, chez nos élites acculturées, ou saisies par la haine de soi, il n’en est pas question, on traite « l’événement Napoléon Bonaparte » par l’ignorance et la désinvolture. Personne n’est obligé d’aimer Napoléon, on peut même le critiquer et violemment et il y a des cohortes qui ne s’en privent pas. Mais cela veut dire que l’on prend l’Histoire de France à bras-le-corps et c’est bien. Il faut absolument regarder Henri Guillemin, toujours érudit et souvent d’une mauvaise foi réjouissante déconstruire brillamment la mythologie bonapartiste, un régal.

Surenchère dans la haine de soi

Alors pourquoi ce silence aujourd’hui ? Il n’y a pas d’autre hypothèse que celle d’une volonté de relecture de l’Histoire de France destinée à dénigrer un pays que l’on est prié de ne pas aimer. Toujours prendre les choses par le bas, par le détail, par le mensonge, Vichy c’était la France, 14-18 les fusillés, la Révolution la Terreur, Napoléon un blanc raciste et homophobe. Alors nous dit-on, dans ce cas pourquoi aimer un pays comme celui là et vouloir qu’il continue à exister ?

On trouve malheureusement dans l’actualité les échos de cette approche frappée au coin d’une bien-pensance complètement anachronique proche de la simple niaiserie et motivant les initiatives les plus incongrues.

Miguel Rodriguez, élu communiste d’Aulnay sous-bois est très contrarié. Sa collectivité vient d’entamer la réalisation d’un square et a décidé de l’appeler « square Napoléon Bonaparte », ce que notre édile juge tout à fait scandaleux. Son sang n’a fait qu’un tour et avec des arguments dont on appréciera la portée, il a saisi le tribunal administratif d’un recours en annulation de cette décision: « qui peut entraîner un trouble à l’ordre public, Aulnay-sous-Bois compte un grand nombre de personnes originaires du continent africain. La personnalité de Napoléon Bonaparte est très contestée dans ces communautés, notamment du fait qu’il a rétabli l’esclavage par décret du 20 mai 1802 ». Ah bon ? Donc les gens d’origine africaine qui habitent Aulnay-sous-Bois pourraient avoir la tentation de faire comme ceux qui à Évreux le soir de la victoire de l’Algérie à la CAN ont détruit une statue du général de Gaulle ? Vous en êtes là ? Mesurez-vous le caractère désolant de cette démarche démagogique, clientéliste et politiquement sans principe. Et qui a également pour défaut d’insulter l’héritage d’un Parti dont vous n’êtes pas digne. Qui lui ne faisait pas de différence ethnique parmi les gens qu’il défendait.

Parce que je peux vous dire, camarade Rodriguez qu’il fut un temps au PCF, quand il était vraiment un parti de masse et l’expression politique de la classe ouvrière française, à ceux qui fréquentaient les écoles du Parti il était fermement conseillé, en plus des œuvres de Marx et Lénine, de lire les deux livres sur Napoléon, publiés par les Éditions du Progrès de Moscou et diffusés par la maison d’édition du PCF. La biographie d’Eugène Tarlé datée de 1937 et marquée par un dogmatisme marxiste gage de survie à ce moment-là. Et puis celle d’Albert Manfred publiée en 1965 époque de la déstalinisation Kroutchévienne. Chef-d’œuvre, toujours marxiste lui aussi, et qui m’a fait tomber dans la marmite de la passion pour le Corse et son aventure où j’ai passé pas mal de temps. Les Russes soviétiques ou pas étaient eux aussi fascinés par Napoléon et pas seulement parce qu’ils l’avaient battu. J’ai eu le sentiment que c’était pareil pour les Français, communistes ou pas… Je me rappelle ce vieil écrivain membre du Parti, réticent face à la critique de Staline et qui pour le défendre invoquait cet argument : « oui mais, comme Napoléon, de fils de vacher Staline a fait des maréchaux ». Ce qui était parfaitement exact, mais peut-être pas suffisant pour réhabiliter le Petit Père des peuples…

Pour les jeunes lecteurs (je sais qu’il y en a) et les autres qui voudraient s’y mettre, dans la profusion des biographies, je conseillerais celle récente et brillante de Patrice Gueniffey qui permet une première plongée dans cette aventure inouïe. Après, parmi les 72 000 autres livres, chacun fera son choix. Pour ceux qui aiment le lyrisme, et l’excès, il y a « L’âme de Napoléon » où Léon Bloy y déploie son étrange génie et dit n’importe quoi. Un bonheur.

Enfin, et tant qu’on y est, sans nous éloigner de Napoléon, permettons-nous une petite transition avec la France d’aujourd’hui, en conseillant la lecture de deux ouvrages. Tout d’abord « le 18 brumaire », à nouveau de Patrice Gueniffey où celui-ci décrit remarquablement la préparation et la réalisation du coup d’État de Bonaparte. Et ensuite celui de Karl Marx : « Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte » où Marx décortique celui de Napoléon III. Un coup d’Êtat, celui de l’oncle, civil, juridiquement réussi et sans violence, et 54 ans plus tard un autre du neveu, militaire et particulièrement brutal. Il y a peut-être quelques leçons à en retenir pour la situation actuelle dans notre pays.

Mais ceci est une autre histoire.

Régis de Castelnau

38 Commentaires

  1. Napoléon vu « d’en bas » chez Erckmann Chatrian dans « Un conscrit de 1813 » et « Waterloo ». Toute ambivalence du personnage vue par les gens ordinaires…

  2. Merci pour ce rappel brillant et chargé de passion…
    Peut-être les autorités françaises se réservent-elles de célébrer Napoléon avec faste en 2021 pour le bicentenaire de sa mort? Ce serait à espérer mais en fait je n’en crois rien ;-))

    Bien cordialement,
    André

    NB : je vous signale deux petites coquilles, écoulés deux jours / coup d’Êtat.

  3. Magnifique plaidoirie pour la grandeur de notre histoire , et implacable réquisitoire contre la stupidité de la plupart de nos élites!
    quelle clairvoyance dans votre discernement ,et puisse votre esprit de résistance continuer à nous inspirer!
    Mille mercis pour ce pavé dans la mare!
    Philippe

  4. Pour comprendre l’état de délabrement des castes dirigeantes – on ne peut pas employer à leur endroit le terme d' »élites » – françaises et, plus largement, européennes et nord américaines, il faut lire le livre de Mathieu Bock-Côté, l’Empire du politiquement correct, aux éditions du Cerf, 2019. Il y décrit et explique les origines et structures de la stupidité, de l’ignorance, de la fatuité et du sentiment de toute puissance de ces minus habens qui nous mènent à la dictature et à la ruine.

  5. Très joli.
    Le mois d’août vous va bien.

    J’avoue, mauvais citoyen que je suis, que je ne savais pas que 2019 était l’année du 250ème anniversaire de Napoléon.

    Merci de nous l’avoir rappelé avec votre talent habituel.

  6. Très bel article.
    Mais le mal est profond. La Révolution est traitée superficiellement par les programmes scolaires et Napoléon à peine effleurée.
    Et ce n’est pas nouveau. J’ai 50 ans et déjà de mon temps, Napoléon était vu très rapidement. J’ai du attendre l’Université pour véritablement découvrir cette période.
    Comment donc être fier ou tout simplement intéressé ?
    Les seuls dorénavant qui parlent de Napoléon sont ceux qui, de manière complètement anachronique, en font un fasciste.

    • Désolé, mais Beethoven a biffé sa dédicace à Napoléon, pour sa troisième symphonie. Il l’a appelée «héroïque», considérant ce que NB avait fait en Europe et non en Afrique.

      • Ah bon ? Je croyais l’annonce qu’il se proclamait empereur responsable du changement de nom.

    • Monsieur, je partage votre déploration du traitement superficiel de l’histoire en général et de l’histoire de France en particulier, qui touche l’enseignement scolaire et, plus encore, le débat public, pour la part qui le relie à l’histoire politique qui a formé la conscience politique, inscrit à travers la discussion les questions de vie collective et de mémoire dans l’esprit du public. Ce sont des questions qui n’ont rien de superflu ni de dépassé que de connaître ce qu’il a fallu de réflexion, d’initiative, de courage, de lutte, pour instaurer des droits, créer des institutions pour en garantir malgré les imperfections l’efficacité, susciter des vocations pour leur donner un sens. Napoléon est celui qui a mis un terme à cinq ans d’errances, de très graves violences civiles face auxquelles le régime ayant mis un terme à la terreur révolutionnaire l’avait distingué et missionné. Il avait réalisé une geste inouïe depuis les Croisades en Egypte, qui malgré son échec final laissa des traces plus profondes dans l’histoire de ce pays que ne l’auraient fait sans doute une administration coloniale, et réveilla la mémoire de l’Europe en permettant aux savants qui accompagnaient l’expédition des Pyramides de révéler les secrets de l’Egypte ancienne et de sa science millénaire. Quels libérateurs, quels révolutionnaires d’aujourd’hui s’accompagneraient de savants?… Bonaparte, esprit acéré, ayant exercé et démontré son génie mathématique à l’Ecole de Brienne, dota la France nouvelle éveillée aux perspectives d’une collectivité au service de ses citoyens et de la nation par Condorcet, d’une Ecole polytechnique, d’une Ecole normale supérieure, d’une université et d’un lycée laïcs. Entre deux combats homériques, il suivait la discussion de chaque article du Code civil, sous la conduite savante de Portalis et Cambacérès (à qui l’on doit d’ailleurs, paraît-il, la non criminalisation de l’homosexualité des majeurs, clémence qui certes ne permit pas à cette préférence d’être à l’abri du jugement majoritaire, mais lui évitait des poursuites judiciaires). Il voulut rendre à la Pologne sa place en Europe. Il y a bien sûr de fortes critiques à lui adresser en maints domaines: les hécatombes, le rétablissement de l’esclavage dans les colonies, l’incapacité à concevoir des limites à son pouvoir sur le monde. A ce dernier titre, on peut relever que ses adversaires étaient eux aussi inlassables, mais cela ne dispense certainement pas de graves discussions sur la portée de sa geste impériale, parvenue à l’ « âge adulte ». M. de Castelnau a raison de dire qu’il faut parler de l’Ogre de Corse, de l’Aigle, quitte à le dénoncer, car son pouvoir si intransigeant soit-il a laissé un héritage qu’aucun de ses successeurs, aussi réactionnaire ou progressiste soit-il, n’a imaginé de « déconstruire », jusqu’aux inquiétantes « réformes » début de XXIème siècle. Très inquiétantes « adaptations » qui paraissent hélas presque toujours des transactions de dupes. Pour ne pas en rester sur un constat aussi triste que réaliste, peut-être un débat pourrait-il être ouvert? L’Etat de droit fondé sur une connaissance profonde et une pratique aguerrie de cette discipline, les institutions de puissance publique dans une collectivité politique souveraine, aujourd’hui : missions, moyens…

      • Est-ce bien à Bonaparte que revient l’idée d’avoir adjoint des savants à l’expédition d’Égypte ?

        • Il est vrai que c’est le Directoire de la République qui a missionné le jeune général et les savants pour cette expédition. Le souci d’accompagner un débarquement militaire (en l’occurrence, susceptible d’être bien accueilli dans une province rebelle à sa puissance tutélaire) d’un cortège de savants n’était certes pas une nouveauté, puisque les expéditions des explorateurs l’étaient également. Mais dans le cas de l’Egypte, la variété des disciplines représentées est une première, et c’est peut-être le seul mérite dont le régime qui a voulu cette campagne ait pu se prévaloir.

  7. Très bon article, dommage qu’il se termine par un tacle gratuit et sans vérité à Napoléon III qui fut également un grand homme. Nous n’en sommes pas à vouloir comparer le nombre de morts entre le premier et le second empire quand même, car je crains que le résultat ne vous déplaise.

  8. Merci, Maître, de parler d’Histoire et mettre à l’honneur Napoléon Bonaparte. Concernant la conclusion, je fais souvent le rapprochement (à tort, à raison ?) avec ce qui se passe en secret dans les coulisses élyséennes. Le livre de Karl Marx <<Le 18 Brumaire de Louis Napoléon Bonaparte<< inspirerait… Un plaisir de découvrir des références de lecture. Merci !

  9. Ce que les élites actuelles détestent en Napoléon, c’est que Macron a tendance à se prendre pour lui et que la dissymétrie est trop voyante, même en additionnant les tonnes dans la pose.
    Et puis, il suffit de comparer les trophées amoureux respectifs…
    Quant à l’esclavage nègre et son exploitation artistique et festive, on ne peut pas savoir.
    A l’époque de Toussaint Louverture le techno- rap n’existait pas et les tatouages étaient encore strictement fonctionnels et sobres.

    • Lazeby essayez donc de vous documenter davantage sur le retour de l’esclavage.

      • Le retour ? Quel Retour ? De la traite négrière qui était mon sujet de base ?
        D’après une loi Taubira -elle en a fait comme on se mouche- il n’y a eu qu’une seule traite négrière dans l’histoire : la traite transatlantique.
        Génocidaire donc unique -je souligne.
        Je ne vois donc pas comment elle aurait pu revenir, cette vielle traite, à moins que vous ne teniez absolument à finir sur le même banc d’infamie qu’un certain chercheur éminent nommé Olivier Pétré-Grenouilleau (surtout ne le lisez pas, il était mal informé).
        Si vous voulez parler de l’esclavage en général (d’accord, passe pour cette fois et je ne dirai rien à Christiane), mêmes réserves.
        Votre doc doit avoir des trous béants puisque, pour votre information, il n’a jamais disparu, cela sans même évoquer ses formes mutantes contemporaines, au niveau de l’esclavage sexuel par exemple.
        Le grand Albert Londres s’en désolait déjà il y a presque cent ans et annonçait une grande postérité au problème vu les intérêts qu’il mettait en jeu (surtout ne lisez pas ce mec, c’est un mâle blanc vieux jeu et en plus même sur un sujet pareil il se permet parfois d’être drôle).
        Sinon, mon développement implicite c’était l’exploitation hystérique et victimaire de faits historiques déjà datés, cela dans un but d’enfumage politique et de stratégie de pouvoir (c’était plus subliminal avec Macron et une certaine garden-party torride à l’Élysée un quatorze juillet fameux).
        Là-dessus je peux mettre moi aussi à votre disposition une doc abondante si vous le désirez, notamment quelques vidéos sur les dérives effrayantes du politiquement correct sur la question dans certaines universités américaines prestigieuses -en attendant que cela ne vienne déborder dans nos collèges prioritaires.
        Je pourrais enfin vous inviter poliment à laisser votre condescendance au vestiaire mais cela serait hors sujet.

  10. Bonjour Monsieur. Je lis toujours avec attention et vif intérêt vos « articles » dans la mesure notamment où certains d’entre eux me sortent de ma zone de confort intellectuel de « gauchiste » (à entendre au sens léninien du terme, lui qui ne les aimait guère), autrement dit, trouvent à me contrarier, ce qui me semble une bonne chose en soi… Celui-ci en est ainsi un exemple. Vous vous plaignez que l’époque – peu encourageante à plus d’un titre – n’honore pas Napoléon Bonaparte comme elle le devrait selon vous… Vous citez Nietzsche au passage… Nietzsche qui nous aura notamment, après d’autres (je pense en particulier à Spinoza) appris à faire la distinction entre ce qui est du domaine de la Croyance, des « lois » de l’assentiment à ce qu’on considère comme vrai, et a contrario de celui de la « vérité objective »… Pour le coup, votre éloge me semble très, ou trop partisan à tout le moins… Un peu comme si je venais à me plaindre que l’époque (qui doit bien remonter à Thermidor) ne fasse pas d’avantage justice à Robespierre… Affaire de Croyance sans doute… Mais je ne suis pas sûr que la Raison en sorte nécessairement grandie…

  11. Napoléon 1er reste le chef d’état français qui ait établi le pouvoir des banques privées en France, par son aval à la création de la Banque de France. On peut trouver ça bien ou pas. En étant communiste c’est quand-même pas certain. Si commémorer autour du personnage pouvait permettre une mise à jour complète de l’information populaire sur cette période, on pourrait comprendre votre point de vue et le trouver parfaitement légitime. L’ennui c’est que vous vous en affligiez pour des motifs très discutables : le rétablissement de l’esclavage ou le sort fait à Toussain Louverture ne sont quand-même pas des « détails », à moins bien sûr de raisonner comme certains sur le niveau admissible que puisse recouvrer telle ou telle horreur humaine.
    Vous nous avez habitués à de la haute qualité argumentaire et littéraire : donc si l’on vous critique ici, c’est de votre faute 😉

    • Si Napoléon a confié, en créant la Banque de France, à deux banquiers genevois le privilège de l’émission des billets de banque et de la monnaie ayant cours officiel dans Paris et l’Ile-de-France (pas encore dans toute la France), c’est que le Directoire avait laissé le pays le plus riche d’Europe ruiné par l’inflation consécutive à l’émission des assignats, invention en elle-même très méritoire puisque, actant la saisie des biens d’Eglise et d’une partie des biens héréditaires féodaux, elle avait gagé les espèces libératoires sur le produit escompté de leur vente auprès des acquéreurs particuliers. La course au crédit pour financer un Etat en guerre finit, comme on le sait, par ruiner celui-ci… et les porteurs d’effets. Il fallut en recourir, pour rétablir au moins une partie des acquéreurs dans leurs biens et la confiance du public dans les transactions à des particuliers professionnels, disposant de l’expertise et des réseaux adéquats, pour rétablir la monnaie. Et de fait, le Franc germinal marqua tout un siècle. La banque privée n’existait guère dans l’Ancien régime, puisque les finances étaient principalement aux mains des fermiers généraux, tandis que la répartition de l’épargne auprès des demandeurs de crédits (grandes maisons de négoces, sociétés par action avec ou sans statut de protection publique) était assurée par les bourses de valeurs, beaucoup plus décentralisées qu’aujourd’hui. Les maisons de banque naquirent pour la plupart au XIXème siècle, en province et à Paris. Napoléon n’a pas collectivisé le crédit, il n’était pas un « enragé », mais la Banque de France finit par être nationalisée, sous le Front populaire.

      • PS – la Banque de France a été nationalisée en 1946, par le Gouvernement du Général de Gaulle, qui réalisa ce à quoi le Front Populaire n’avait pu parvenir.

  12. Il suffit d’avoir écouté Macron et son discours révisionnsiste sur la libération de la France par les Africains en 44/45 (dans mon souvenir, il y avait plutôt une grande majorité d’anglo-saxons mais peut-être que ce fut une grande désinformation) pour ne pas s’étonner outre mesure que l’Histoire de France a changé de camps.

  13. Curieuse attitude, en effet, de Dominique de Villepin. Il a écrit 2 ou 3 livres sur Napoléon, mais comme Premier Ministre, ce fut le silence total lors du bicentenaire de la bataille d’Austerlitz (décembre 2005).

    J’ai peu de sympathie pour Lionel Jospin depuis qu’il fut ministre de l’Education Nationale (1988 à 1992) (1). Sa gestion allait dans le sens des inepties pédagogistes qui ont abaissé profondément le niveau scolaire (2). Quand le PCF est entré dans le gouvernement Jospin en 1997, j’ai quitté ce parti.

    Surprenante argumentation de l’élu PCF d’Aulnay-sous-Bois qui communautarise les habitants de sa commune. Avec des arguments pareils, je ne devrais pas supporter qu’on me parle de Napoléon car je suis d’origine espagnole et on sait que la présence bonapartiste en Espagne à partir de 1808 se passa très mal.

    Constatons qu’en 1969, pour le bicentenaire de la naissance du futur empereur, il y eut de nombreuses émissions radiophoniques et télévisuelles sur Napoléon.
    Mais, de nos jours, l’Histoire est bradée.
    Elle est aussi bradée dans les programmes scolaires comme le démontre souvent Barbara Lefebvre (3).

    (1) A l’époque, j’étais instituteur.

    (2) On constate que, dans les années 50 et 60, les 4 grandes écoles (Polytechnique, ENA, E. Normale Supérieure et HEC) comprenaient 30% d’élèves issus des classes populaires. De nos jours, il y en a à peine 10%. Le pédagogisme, fut soutenu par des gens de gauche, par la plupart des syndicats enseignants (y compris par la tendance dont je fus un militant actif dans les années 70), par des associations de parents d’élèves dont la FCPE.
    On constate donc que le pédagogisme a été calamiteux pour les classes populaires et a favorisé les classes dominantes.

    (3) Quand j’étais adolescent, les paroles du « fort en histoire » du « lycée Papillon » (chansonnier Georgius, 1936) nous faisaient rire. Il disait : « Vercingétorix, né sous Louis-Philippe, battit les Chinois, un soir, à Roncevaux ». De nos jours, quand je reprends ces paroles en parlant à des jeunes, ça « tombe à plat ».

  14. Bonjour Régis, à toutes et tous,

    Napoléon ?

    Bonaparte est la meilleur part de la Révolution.
    Napoléon premier Empereur des Français représente son Saturne.

    Les départements, la légion d’honneur, la noblesse gagnée par la sortie du rang et non plus par la naissance ou l’achat de la charge ,
    le tricolore, le concordat, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, le code civil, le code penal, le code de commerce….
    12 juillet 1806, par le traité de Paris, l’Empereur des francais protège la confédération du Rhin,
    l’ Europe des 130 départements francais de 1811,
    Oui mais….

    LOUIS XIV ce mauvais Soleil et Napoléon 1ier sont les équarisseurs des peuples françois.
    Leurs guerres funestes furent le tombeau du droit du sang pour inaugurer le droit du sol socle de toutes les émigrations parce que ces saignés font du carrefour de l’Europe, un pays mort de sa jeunesse disparue à coup de canon, de mitrailles et de baillonettes.
    Depuis Waterloo  » l’eau perdue » (les chinois disent que l’ eau est le sang de la terre)
    La France ne cesse depuis 2 siècles de décliner
    Malgré l’interméde de l’Empire colonial français , malgré 14-18(autre boucherie des hommes pour rien du tout), malgré le Gaullisme et l’Alliance de 44 à 46 compagnons- camarades pour tenter de reconstruire la France sur la Fraternité.

    Ce que le Macronisme n’a de cesse que de vouloir détruire pour la chimère d’un machin européen wo Deutschland allein entschied, where you must speak english for wish to be Vip
    Parler anglais…. Finalement c’est mal parler le français (Victor Hugo) !
    Suivre l’Allemagne de bout en bout à tout bout de champ c’est donner raison à Marcel Déat ce  » monsieur loyal » au tragique opéra -bouffe de Sigmaringen
    Etre l’obligé des Usa….  » Vanité des vanités  »

    Napoléon 1er fut inévitable parce que homme marqueur de l’histoire, il est l’envoyé special de la Providence.

    Le petit Corse qui parlait mieux le génois que le français fut épique, son personnage de premier rang est très proche de celui de César Borgia.
    Toutefois les conséquences de sa geste rendent son bilan finalement globalement négatif.

    Liberté Égalité Fraternité
    Salutations Républicaines
    C

  15. merci j’ai bien ri de vos remarques sur Henri Guillemin et Léon Bloy ! c’est de la bonne dialectique si si si !

    • J’ai trouvé sur Internet le Napoléon d’Albert Manfred ! j’ai lu l’introduction sur la vie de cet auteur qui traversa la Révolution d’Octobre admirablement bien … merci de me l’avoir fait connaître ! pour Napo j’en étais à : « Napo c’est notre hitler à nous… »

    • Obligé. Schengen n’existait pas.
      Avec ça et Marrakech, aujourd’hui, ce serait rapidement comblé.
      Mais je ne vois pas Macron envahir la Russie. C’est ce qui fait sa grandeur.

  16. Staline n’ a nul besoin d’ être « réhabilité » : il n’ a été discrédité que dans les cervelles faibles de ceux qui, du rapport Khrouchtchev jusqu’ à nos jours, gobent toutes les insanités de la propagande occidentale. Pour les autres, il reste un dirigeant exceptionnel, qui a joué un rôle important dans la défaite du fascisme, l’ accession de la Russie à la modernité et le recul du colonialisme occidental.

  17. Sans omettre les Mémoires d’outre tombe de François René Chateaubriand et donc les pages consacrées à Buonaparte…mais et à propos d’histoire, d’une manières plus générale le regard « historique » de l’écrivain sur son époque.

  18. Dans l’oeuvre de Napoléon Bonaparte, il y a du positif et du négatif.
    Je suis loin d’être inconditionnel du Premier Consul et surtout de l’Empereur. Mais, c’est un personnage de poids dans l’Histoire de France et le silence concernant le 250e anniversaire de sa naissance est donc une anomalie.

    Sur 2 points critiquables, il faut relativiser.

    – Bonaparte est arrivé au pouvoir à la suite d’un coup d’Etat (18 brumaire an VIII soit le 9 novembre 1799). Ce n’est pas bien. Mais, sous le Directoire (octobre 1795 à novembre 1799), il y avait quasiment un coup d’Etat par an organisé par la majorité des Directeurs ou par les assemblées (Cinq-Cents et Anciens) : 18 fructidor an V (septembre 1797), 22 floréal an VI (mai 1798), 30 prairial an VII (juin 1799).

    – Bonaparte (Premier Consul) a rétabli l’esclavage en 1802. C’est certes scandaleux. Mais, on peut constater que l’abolition de l’esclavage votée par la Convention en 1794 fut peu appliquée.
    ° Esclavage effectivement aboli en Guadeloupe. Aboli aussi à Haïti mais en raison de la révolte organisée par Toussaint Louverture.
    ° La Martinique fut occupée par les Anglais.
    ° Esclavage non aboli ni à la Réunion ni à l’ile Maurice.
    Ajoutons que, sur ce sujet, Napoléon suivait ce qui se passait à son époque : l’Angleterre ayant aboli la traite en 1807, l’Empereur l’abolit en 1815 (lors des Cents Jours), abolition confirmée par la Restauration en 1817-1818.

    • Concernant l’historien soviétique Eugène Tarlé, spécialiste de Napoléon.
      Quand il écrivait, en 1937, il devait être, en effet, extrêmement prudent : c’était la période la plus violente des « purges » staliniennes.

      D’autant que Tarlé avait été arrêté en 1931.
      En effet, dans le passé, il avait été proche des Constitutionnels Démocrates (ou KD, ou Cadets).
      Ce parti était celui d’une opposition libérale au pouvoir tsariste, mais en 1917, il était à droite de « l’échiquier » politique. Les KD étaient plus à droite que les bolcheviks, mais aussi que les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires (parti de Kerenski).
      Les dirigeants des Cadets étaient le prince Lvov (chef du gouvernement provisoire de mars à juillet 1917, avant Kerenski) et Pavel Milioukov.

      Paradoxalement, après sa libération de prison, Eugène Tarlé était protégé par Staline.
      Mais, on sait que la protection du dirigeant de l’URSS pouvait disparaitre rapidement, avec des risques mortels.

      PS : Concernant les « purges » staliniennes, c’était souvent « la loterie ».
      Ainsi, le réalisateur Serguei Eisenstein (« Octobre », « le cuirassé Potemkine », « Alexandre Nevski », etc…) était « dans le collimateur » car il était attaqué par le dirigeant de l’administration centrale du cinéma. Mais, ce fut le dirigeant qui fut arrêté et fusillé en 1938. Eisenstein fut « sauvé par le gong ».

    • Erreur d’orthographe (de la part d’un instituteur retraité !) dans mon commentaire sur Napoléon et la traite. On écrit « les Cent Jours » (et non les Cents …).

  19. Je suis toujours etonné qu’on accorde plus d’importance à la bataille d’Austerlitz qu’à la bataille d’Iena; cette derniere a eu, pourtant, des consequences plus importantes pour l’etat de l’Europe; même celles, involontaires, qui ont nourri la haine de la France de la part de Louise de Prusse qui a transmis à son fils la volonté farouche de revanche qui s’est accomplie en 1970, debut des guerres franco-allemandes…

  20. Le tweet précédent retweeté par Régis de Castelnau était de Natacha Polony.
    C’était sur cette abomination qu’a été le meurtre de Fares ben Yahiaten, serveur à Noisy-le-Grand, par un caïd d’une cité de cette ville, sous prétexte que le sandwich commandé n’était pas servi assez vite.
    Souhaitons (sans trop y croire) que la Justice punira avec la plus grande sévérité l’ignoble assassin.

  21. Le 20 août 1940, à Coyoacan (Mexico), Trotski était assassiné par l’Espagnol Ramon Mercader, au service de Staline.
    Sur le site de « Marianne », Jack Dion (ancien de « l’Humanité ») ironise (avec raison selon moi) concernant un tweet d’Edwy Plenel :
    https://www.marianne.net/politique/trostki-revu-corrige-et-salue-par-edwy-plenel

    Quand j’avais 17 ou 18 ans, j’avais acheté un livre de Trotski (le « père Noël » de Plenel) intitulé « leur morale et la nôtre ».
    Trotski attaquait les procès staliniens. Mais, il répondait aussi à certains de ses anciens partisans (dont Boris Souvarine ou Max Eastmann) qui constataient qu’au début de la Révolution « d’octobre » (1), Trotski non plus n’avait pas été « tendre ».

    Le commissaire du peuple à la guerre avait pris en otage (et souvent exécuté) des familles de gens qu’il estimait hostiles à la Révolution.
    Les marins de Kronstadt avaient été en 1917 le « fer de lance » de la révolution bolchevique.
    Mais, en 1921, ils se révoltèrent contre le pouvoir. Leur révolte fut réprimée avec la plus grande férocité par Trotski et Toukhatchevski (2 futures victimes de Staline).

    Trotski ne niait pas. Il reconnaissait avoir été un tueur.
    Comment se justifiait-il ?
    Pour lui, dans les années 30, Staline liquidait la Révolution (« le thermidor » de Staline écrivait-il). Alors que, 2 décennies plus tôt, lui, Trotski, agissait comme il le faisait pour faire triompher la Révolution.
    Autrement dit, pour Trotski, la fin justifiait les moyens, TOUS les moyens.

    (1) Je mets des guillemets car la révolution bolchevique eut lieu le 25 octobre 1917 pour le calendrier julien alors en vigueur en Russie. Mais, pour le calendrier grégorien en vigueur chez nous, c’était le 7 novembre 1917.
    Le gouvernement de Lénine (qui comprenait aussi Trotski et Staline) se rallia au calendrier grégorien. En Russie, le lendemain du 31 janvier 1918 fut … le 14 février.

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