Twitter : la fausse excuse de l’anonymat

C’est la période des premières juridiques. Twitter a récemment été condamnée à révéler l’identité des personnes qui ont publié et propagé des messages diffamatoires et illégaux sous couvert d’anonymat. La cour d’appel de Paris a ordonné au réseau social de fournir les numéros de téléphone, adresses électroniques et adresses IP des personnes ayant publié et diffusé ces messages. Me Prigent revient pour nous sur cette affaire.

Vududroit : Avant d’en venir à l’aspect proprement juridique, pourriez-vous nous exposer brièvement le contexte de cette affaire ?

Me Prigent : L’histoire débute début mai 2019, en pleine campagne des européennes. A cette période, les sondages estimaient que Debout la France (le parti dirigé par Nicolas Dupont-Aignan) pouvait obtenir de 3% à 6% des suffrages. Le bras droit de NDA depuis 2012, Jean-Philippe Tanguy, était 3ème de liste, c’est-à-dire éligible.

Alors qu’il sortait très tard du siège du parti, un homme armé d’un couteau s’est jeté sur lui par surprise et l’a contraint couteau sous la gorge à lui remettre son téléphone portable ainsi que ses codes d’accès après avoir vérifié son identité sous la menace.

Quelques jours avant le premier tour, un compte Twitter nouvellement créé a diffusé des photos de messages issus du téléphone personnel de M. Tanguy. On y découvrait que M. Tanguy était homosexuel (ce que l’intéressé n’avait jamais caché), des messages personnels de l’intéressé avec des proches ainsi que des conversations politiques avec d’autres membres du parti, dont son avocat. Je faisais partie des victimes car j’avais échangé des messages avec M. Tanguy. Ce compte Twitter dénigrait DLF et ses candidats, dans une volonté manifeste de créer un scandale juste avant l’élection afin de faire plonger son score.

Plusieurs personnes mal intentionnées avaient d’ailleurs diffusé ces messages. Comme le compte venait d’être créé, il n’y a pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que les personnes qui s’y sont immédiatement abonnées faisaient partie d’une bande organisée complice du vol à main armée subi par M. Tanguy.

A l’époque, l’avocat du parti était intervenu en urgence pour faire ordonner en justice à Twitter de clore ce compte.

Vududroit : Merci pour ces explications. Venons-en à notre affaire. Comment avez-vous pu obtenir les informations personnelles du compte initial et des comptes qui ont diffusé les messages volés malgré l’anonymat ?

Me Prigent : Notre droit contient un article très efficace et méconnu, l’article 145 du Code de procédure civile : « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ». En d’autres termes, tant qu’on n’a pas agi au fond, on peut demander au juge d’ordonner même à un tiers de fournir des informations utiles dans le cadre d’un procès futur. Il faut mais il suffit que le procès futur ne soit pas manifestement voué à l’échec pour obtenir les informations demandées.

Ici, le procès futur des autres victimes n’est pas manifestement voué à l’échec car M. Tanguy a manifestement été victime d’un vol à main armée en bande organisée, d’une violation du secret des correspondances et d’une manœuvre frauduleuse destinée à fausser le résultat du scrutin des européennes. Toute personne qui a publié un ou plusieurs de ces messages ou les diffusés (par « j’aime », « retweet » ou message privé) a participé au dommage et s’est fait receleur de ces infractions. C’est pourquoi l’article 145 permet d’obtenir toutes les informations relatives aux comptes des intéressés.

Vududroit : Pourquoi Twitter refusait-elle de vous donner ces informations ?

Me Prigent : C’est un mystère. On peut comprendre que Twitter protège la vie privée des utilisateurs en temps normal mais dissimuler l’identité des auteurs d’infractions pénales trahit une conception très originale de l’Etat de droit. La personne qui a publié ces messages est manifestement le complice par instigation d’un vol à main armée, sans doute en bande organisée, infraction passible de la cour d’assises.

Or loin de livrer les informations demandées, Twitter a refusé de les fournir à la police et il a fallu batailler jusqu’en cour d’appel pour les obtenir, sous la contrainte.

Vududroit : Pourquoi la police n’avait-elle pas obtenu ces informations ? 

Me Prigent : C’est un autre mystère. Selon le Code de procédure pénale, un juge d’instruction doit être nommé quand les faits peuvent constituer un crime. Et en vertu du Code pénal, un vol à main armée ou un vol en bande organisée est un crime.

Le Parquet de Paris a toutefois refusé la nomination d’un juge d’instruction bien que M. Tanguy ait subi un vol à main armée de la part d’une bande organisée. J’ose espérer qu’il s’agit seulement d’une ignorance du droit et pas d’un choix de refuser d’enquêter quand la victime est un opposant politique…

Vududroit : Revenons à Twitter ; cet arrêt pourrait-il faire jurisprudence ? 

Me Prigent : J’espère bien ! En droit, la volonté de Twitter de dissimuler l’identité des auteurs d’infractions est indéfendable. Il faut espérer que les futures victimes emploieront l’article 145 pour obtenir sous astreinte les informations requises afin de poursuivre les délinquants qui utilisent Twitter.

Au demeurant, cette décision démontre qu’il n’est pas nécessaire de lever l’anonymat des réseaux sociaux. Comme souvent, il faut mais il suffit de bien utiliser le droit existant afin de lever l’anonymat en cas de besoin, sous contrôle du juge au cas par cas.

Régis de Castelnau

17 Commentaires

  1. On connaissait « Les mystères de Paris »…. A présent nous avons « Les mystères du parquet de Paris »….

  2. Enfin que notre JUSTICE se bouge un peu pour cette fois-ci ! BRAVO ! Elle doit continuer comme ça !
    Cordialement,

    • Votre optimisme me laisse béat!
      Relisez l’article, les magistrats du parquet de Paris devrait être en prison ou à tout le moins virés de la magistrature!

      • Effectivement. Le Parquet de Paris ignorer le Droit… On croit rêver.

  3. La vérité dépasse la fiction et en plus ça pue la la barbouze mal peignée.

  4. Remontons d’un cran.
    « A l’époque, l’avocat du parti était intervenu en urgence pour faire ordonner en justice à Twitter de clore ce compte »
    Quelle a été la réponse effective de Twitter?( France ? ou USA ?). Quelle action, quel délai ?
    Quel a été le sort des messages de deuxième ( ou énième) génération
    Qui a dit complot ?

  5. https://www.capital.fr/economie-politique/ses-echanges-prives-avaient-ete-pirates-lex-n2-de-dupont-aignan-va-enfin-connaitre-le-coupable-1394592
    Selon l’article de capital.fr, Il s’est passé 3 semaines entre la diffusion et le référé demandant la suppression du compte.
    Que s’est-il passé pendant ce temps ? et après, comment Twitter a-t-il exécuté ce jugement ?
    Ce simple délai de 3 semaines pose question, même si la loi Avia ne doit pas être la solution.
    Twitter me semble devoir être condamné à des dommages et intérêts pour cette passivité.ou cette complicité apparente.

  6. « Tuteur » a certainement sa vision binoculaire défaillante : L’œil gauche vigilant ferme les comptes des Trumpistes et l’œil droit se referme automatiquement sur les méfaits exercés envers les politiquement incorrects. A quand les cours d’orthopraxies pour rétablir un juste équilibre …

  7. Mais je croyais (bêtement, faussement ..) que entrave volontaire à la Justice (cela se dit autrement dans le jargon) est punissable, car inadmissible.
    Donc les responsables de tweeter sont convoqués pour un jugement..
    et bientôt ou déjà punis très sévèrement.
    « Il » disait quoi le [censuré] ?
    Etat de Droit non ?

  8. Pure hypothèse : Twitter traîne des pieds non tant pour protéger les malfaisants (mâles faisans) que pour jeter un voile pudique sur ses défaillances de sécurité face à des faisans aguerris.

  9. Effectivement, le risque pour les dirigeants d’une compagnie (au sens large) comme Twitter d’être poursuivis non seulement es qualité, mais aussi pour complicité de crime à titre personnel peut constituer une entrave aux déplacements internationaux… et obliger à réagir, passé le temps de consulter ses conseils et de vérifier que c’est la la décision la plus raisonnable.

  10. « Twitter a récemment été condamnée à révéler l’identité des personnes qui ont publié et propagé des messages diffamatoires et illégaux sous couvert d’anonymat »

    Sans blague ?
    Mais qui peut croire encore en l’anonymat numérique, à part les naïfs (On vous explique même sur le clearweb comment aller sur le Darknet !!!).
    Prenez connaissance, par exemple, de qui contrôle FB en France, de mémoire, c’est un ancien préfet de région qui bosse aujourd’hui pour le ministère de l’intérieur…

    Soyons sérieux, les réseaux sociaux en position de monopole sont des outils du renseignement Etatique, au sens large, une mine d’or quant à ficher la population selon ses tropismes politiques et philosophiques, ses centres d’intérêts, son espace social et de consommation (très utiles pour le ciblage clientèle du commerce en ligne), le tout au nom du sempiternel besoin de plus de sécuritaire.

    Les algorithmes de l’IA balayent les contenus de FB, Twitter, Instagram suivant certains mots-clés et scannent les IP, l’identité n’est plus qu’un jeu d’enfants lorsque le décret prend le pas sur la loi pour des raisons d’Etat d’urgence.
    Nul besoin d’en passer par la justice pour forcer à les divulguer, sauf pour les besoins du spectacle démocratique, histoire que le peuple croit encore à la solidité des institutions alors que la Vème n’est qu’une succession de coup d’Etat permanent (c Mitterrand).

    D’ailleurs la CNIL, autrefois toute puissante, n’est plus rien ou presque.

    Les réseaux sociaux sont non seulement des outils de contrôle des masses, mais également des outils de propagande.

    • Je vois plutôt les états comme des mendiants complices qui réclament l’aumône des FB et autres

      • Les élus n’ont plus le pouvoir depuis que les Etats-nations sont endettés, ce sont des consuls de régions, des administateurs territoriaux chargés de la surveillance des peuples afin que la globalisation (mondialisme) s’impose au monde.
        Ils « servent » à la transition entre l’ancien monde (nations, patriotisme, culture locale) et le nouveau (peuple-monde, gouvernance mondiale, pop culture) et leur outil commun de contrôle et de propagande, c’est la technostructure incarnée par le net, dont les réseaux sociaux.

        Les Etats sont désormais prioritairement « policiers », parce que la phase de mondialisme actuelle exige un formatage et une pratique généralisés, respectivement par et pour la « technognose » que représentent le net et ses avatatars (prédominance croissante du distanciel sur le présentiel).

        • « policiers »
          On dirait des bonobos , perdu de vue qui se la castagnettes

          Ils crèvent pour l’humanité
          Faut savoir que lorsqu’il font un gros caca , à la maison , ni vu ni connu faut que ça passe dans les chiottes
          Ils se nourrisse de la cocarde comme avatars
          Ils étaient avant même d’être né

          Des avortons

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