Justice politisée : le risque de l’arbitraire

L’arrêt de la Cour d’appel de Paris condamnant Nicolas Sarkozy, Thierry Herzog et Gilbert Azibert dans la fameuse affaire des écoutes a provoqué une certaine émotion, dans la sphère politique bien sûr mais également dans la sphère médiatique. Beaucoup des journalistes qui avaient assisté aux audiences de première instance et d’appel, et par conséquent constaté le vide du dossier posaient la question d’une décision directement politique.

Pour ma part il y a longtemps que je serine sur cette question du dévoiement de la magistrature qui a fait de la justice, en violation de la séparation des pouvoirs, une force politique autonome sans légitimité de l’élection démocratique.

J’ai même consacré un ouvrage de 600 pages à l’histoire du phénomène. Il a été commenté, jamais réfuté.

Certains magistrats se sont émus du fait que la décision de la Cour ait été largement critiquée. L’un d’entre eux a écrit sous pseudonyme un article dans la revue juridique professionnelle « l’Actualité juridique ».

Il faut lire cet article qui à mon sens ne fait que confirmer mon analyse concernant la politisation du corps.

J’ai publié une réponse dans les mêmes colonnes. Mais on trouvera ci-dessous une version plus longue de mon texte qui développe un peu plus l’analyse que je fais de ce qui constitue un danger démocratique.

Il y a 20 ans, à l’occasion de l’audience de la Cour d’assises d’appel de Paris dans l’affaire d’Outreau, j’avais publié une tribune libre qui exprimait mon diagnostic personnel sur le fonctionnement de la magistrature, qui était déjà assez direct, ce qui ne surprendra pas ceux qui me connaissent. Je reproduis ici ma conclusion : « La tentation de l’autisme est pourtant une stratégie risquée pour le corps lui-même. Est-il sûr que l’opinion publique française s’en contente, alors qu’elle se méfie désormais de sa propre justice ? Quel intérêt de se vivre en forteresse assiégée au risque de se transformer en une « forteresse vide » ? Ne serait-il pas temps de relever les défis d’aujourd’hui ? Amis magistrats, encore un effort pour être vraiment des juges. »

La publication dans les colonnes de « l’Actualité juridique » de l’article d’Étienne Ortecan magistrat parquetier sous le titre : « Affaire Sarkozy : la rhétorique toxique du peuple contre les élites » me démontre que non seulement cela ne s’est pas arrangé, mais que si la forteresse existe toujours, elle s’est remplie pour devenir désormais une force autonome qui entend exercer une influence directement politique sur la société française.

À la phrase figurant dans le chapeau « l’auteur dénonce les dangers d’une rhétorique, déjà utilisée par François Fillon, qui soutient la thèse d’une justice politique », je répondrai qu’il n’y a pas que François Fillon. Les gazettes sont remplies de tribunes qui s’alarment d’un certain nombre de dérives, en particulier après la condamnation en appel de Nicolas Sarkozy dans l’affaire « des écoutes ». Qui présente une caractéristique particulière qu’avait reflétée les articles lors de l’audience de première instance. Le vide du dossier et les libertés prises avec un grand nombre des principes fondamentaux qui gouvernent le déroulement du procès pénal avaient sauté aux yeux des chroniqueurs qui ont enfin manifesté surprise et interrogations.

J’ai personnellement moi aussi adopté cette rhétorique, après un travail relativement approfondi, et la publication d’un livre copieux (600 pages) qui retrace ce qui constitue un dévoiement, sous le titre justement de « Une justice politique ». Il a fait l’objet de chroniques, de recensions, d’interviews finalement assez nombreuses dans la presse sauf curieusement (ou pas) dans la presse dite « de gauche ». Mais curieusement toujours, aucune réaction publique, discussion ou réfutation du côté des magistrats. Rien sur un certain nombre de mes affirmations dont le moins que l’on puisse dire est qu’elles étaient souvent assez sévères. Le silence est comme chacun sait une autre méthode pour éviter le débat contradictoire qui est pourtant la clé de l’élaboration de la vérité judiciaire. Petit préalable habituel, l’auteur a toujours été un adversaire acharné du camp politique incarné par Nicolas Sarkozy et François Fillon. Donc critiquer la politisation de la justice est l’expression du souci d’un citoyen et non une défense des personnes concernées.

On travaille vite au PNF !

Le problème est que tout d’abord l’article d’Étienne Ortecan utilise l’affirmation comme seul mode d’appréhension du réel, pour réfuter cette idée d’une politisation de la justice. Par exemple, il disqualifie la défense de François Fillon non pas sur le fond, mais sur les formes qu’elle a prises. François Fillon s’est incontestablement maladroitement défendu, alors on présente ses déclarations comme ridicules. Pensez donc, il a parlé de « cabinet noir », impossible n’est-ce pas ? Le problème c’est que deux journalistes du Canard enchaîné ont à ce moment-là publié un livre (Bienvenue place Beauvau) qui en décrivait la réalité et le fonctionnement. L’article d’Ortecan poursuit : « le palmipède publiait toute une série d’articles mettant en cause l’ancien premier ministre ». Que voilà une Drôle de présentation ! Il convient de rappeler mais pour cela il faudrait s’intéresser aux faits, qu’il s’agit d’abord d’un papier lancé comme une bombe par le Canard enchaîné dans son édition du 25 janvier 2017. Le même jour à 11 heures du matin le PNF annonçait l’ouverture d’une enquête préliminaire pour détournements de fonds publics, abus de biens sociaux et recel de ces délits. On travaille vite au PNF ! Même si on a une lecture très sélective du Canard enchaîné. Il me souvient d’un article du palmipède pointant les pressions en forme de trafic d’influence de collaborateurs de François Hollande à l’Élysée pour obtenir du ministre du budget la remise des pénalités infligées à Mediapart pour ses fantaisies en matière de calcul de TVA.

On ne va pas ici multiplier les exemples sur l’étrange procédure Fillon, mais retenir celui de la publication par le Monde 10 jours plus tard d’une copie sélective d’un certain nombre d’éléments de l’enquête diligentée toute affaires cessantes. Les seuls qui avaient accès à ces pièces étaient les magistrats du PNF et les policiers qu’ils avaient mandatés. Il y avait donc eu une violation grave de la Loi française, commise soit par des policiers, soit des magistrats, tous assermentés et spécialement chargés de la faire respecter. Comme d’habitude, cette violation particulièrement grave en période électorale et constituant une manœuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin présidentiel, n’a eu aucune suite judiciaire malgré la plainte déposée par François Fillon. On imagine qu’elle dort paisiblement dans une des armoires du parquet.

Un apolitisme vraiment étrange

L’article d’Étienne Ortecan laisse apparaître autre chose comme une sorte d’ingénuité. La justice n’est pas politisée nous dit-il alors même qu’il laisse apparaître son propre engagement personnel dans les arguments qu’il développe. Il commence un de ses paragraphes par la formule suivante : « En effet, il s’agit d’une défense qui respire totalement l’air du temps. Le peuple contre les élites ». Donc Sarkozy et Fillon sont d’horribles populistes qui osent dire du mal de la « gauche ». Présentée comme victime de scandaleuses imputations : « Nicolas Sarkozy surfe sur l’ambiance actuelle qui est de disqualifier d’emblée tout discours ou toute expression venant de cette « gauche » systématiquement décrite comme violente et responsable de la montée de l’extrême-droite, qui terroriserait la population avec son militantisme, sa pensée unique, son wokisme et son islamo-gauchisme… ». Du Libération dans le texte. Les opinions politiques personnelles d’Étienne Ortecan sont tout à fait honorables et l’auteur en partage certaines, mais vouloir exonérer la justice de l’accusation d’être politisé en démontrant qu’on est soi-même engagé d’un côté, ce n’est peut-être pas très heureux. On retrouve d’ailleurs tout le langage de la Doxa du gauchisme culturel, à base d’accusations de complotisme, populisme, fourriers des heures sombres, et de favoriser « une tradition qui revient en force et s’impose peu à peu dans l’esprit des téléspectateurs assidus des chaînes de télévision comme BFM et CNEWS ou autres auditeurs fidèles à RMC et SUD RADIO. » Eh bien, voilà Monsieur le procureur qui affirme tranquillement, que les couches populaires et les masses sont stupides et incultes, qu’elles regardent ou écoutent les mauvais médias au lieu d’être abonnées à Libération et à Télérama comme tout le monde. Jolie démonstration finalement qui en dit long sur un des problèmes qui frappent la Justice aujourd’hui.

L’indépendance n’est que l’outil de l’impartialité

La liberté de conscience et d’opinion est quelque chose de fondamental, mais encore faut-il se rappeler que le juge est là non pas pour aider à disqualifier politiquement et médiatiquement un candidat à la présidence de la République en favorisant l’élection d’un parfait inconnu sorti de nulle part. Il n’est pas là non plus pour imposer sa morale à la société, mais pour arbitrer entre des intérêts contradictoires. En ce qui concerne le droit pénal c’est entre l’intérêt général formalisé par la Loi et les intérêts particuliers des personnes poursuivies. Et pour cela, l’indépendance du juge siège est quelque chose de fondamental, mais pas une fin en soi. Ce n’est que l’outil permettant d’utiliser le principe cardinal de l’impartialité. Or la définition quasi officielle de celle-ci se trouve dans un article publié par le Monde sous la signature de deux anciens dirigeants des deux principaux syndicats de magistrats à l’occasion de la fameuse affaire du Mur des cons : « une fois de plus cette affaire va servir à défendre une conception abstraite et surannée de l’impartialité du juge que sous-tend le code de déontologie des magistrats publiés en 2010 par le CSM : le juge doit être transparent sans sexe sans opinion et sans engagement ». Mais enfin, personne ne demande que les magistrats soient personnellement transparents, asexués ou sans opinions politiques, mais que leurs décisions le soient ! Elles ne sont pas rendues à titre personnel, en tant que femmes (ou hommes) en tant qu’électeurs, ou en tant que militants, mais au nom du peuple français. Comment peut-on être à ce point étranger à une telle évidence ?

Pas d’hypocrisie dans le débat !

Et puis au fond, la défense du corps des magistrats est quelque chose de légitime, et comme dans tout débat contradictoire la mauvaise foi est recevable, c’est l’affaire de celui qui écoute, à lui de faire le tri. Mais ce qui est plus désagréable, c’est une forme d’hypocrisie. Celle qui consiste à nier publiquement un certain nombre de faits, à revendiquer une forme de pureté, alors qu’en privé dans les couloirs, et dans les conversations discrètes on reconnaît l’existence de ces dévoiements. Reprocher à François Fillon, qualifié de complotiste, d’avoir parlé de l’existence : « d’un cabinet noir, d’une concertation entre adversaires politiques, journalistes et magistrats » alors que chacun sait que c’est exactement ce qui s’est passé, oui c’est de l’hypocrisie. Prétendre que la fulgurante et sans précédent première phase de l’instruction Fillon (47 jours) s’est déroulée normalement, uniquement dictée par les contraintes de la procédure pénale, c’est se moquer de ses interlocuteurs. Dire que les décisions piétinant le secret professionnel des avocats rendues à l’occasion de l’affaire des écoutes ne sont que l’application d’une jurisprudence traditionnelle, qu’il n’y a pas eu d’abandon du principe d’interprétation restrictive de la loi pénale, que la justice poursuit ceux qui violent les règles des secrets de l’enquête et de l’instruction, asséner que la répression de masse dont a été victime le mouvement social des gilets jaunes est une invention, que l’entourage d’Emmanuel Macron ne bénéficie d’aucune mansuétude dans le traitement judiciaire des collections d’affaires qui le concernent, et enfin que les rapports entre les magistrats et les avocats sont ensoleillés comme jamais, c’est nier consciemment une réalité vécue.

La justice française est confrontée aujourd’hui à toute une série de problèmes. Le premier d’entre eux est évidemment le manque criant de moyens, le service public de la justice étant plus que jamais le parent pauvre budgétaire de notre pays. Mais cette question de la politisation du corps des magistrats devenue problématique en est le second. Cette dérive a une histoire et des causes. C’est le fruit d’un processus qui a vu, depuis une quarantaine d’années, le corps prendre une autonomie vis-à-vis de sa traditionnelle et séculaire dépendance vis-à-vis de l’exécutif. Malheureusement cette autonomie au lieu d’assurer son impartialité en a fait une force politique qui semble aujourd’hui vouloir utiliser ce nouveau pouvoir. Rendant boiteuse la séparation des pouvoirs et installant vis-à-vis du peuple au nom duquel sont rendues les décisions de justice une coupure qui peut s’avérer dangereuse.

Il y a une règle qui ne se dément jamais, si l’on assigne à la justice des fins et des objectifs qui ne sont pas les siens, cela ne peut se faire que par la violation des principes fondamentaux et par conséquent exposer aux risques de l’arbitraire

Régis de Castelnau

28 Commentaires

  1. Bon OK, sur ce coup là, les éléments d’accusation sont un peu légers.
    Mais ce type a tellement de saloperies à se reprocher que, à mon sens, c’est bien fait pour sa sale petite gueule…

    • @ A. Barbeverte : vous n’avez pas compris ce qu’écrit Me de Castelnau ? La justice n’est pas là pour punir N. S parce qu’il a « fait des saloperies », elle est là pour le punir s’il est prouvé qu’il fait lesdites saloperies. Et manifestement, ce n’était pas le cas. Donc, on le punit pour un délit de sale gueule ? Ou bien parce qu’il a réussi à s’en tirer les autres fois, toujours sans preuves, hein ? Une parodie de justice ? Parce qu’il le vaut bien ???

      Me de Castelnau, merci à vous, de continuer, contre vents et marées, de rappeler ce qu’est le droit et ce que devrait être la justice.
      Nous n’avons pas les mêmes opinions politiques, mais sur le plan judiciaire, j’aime vos analyses. Dommage que les magistrats ne les partagent pas. Et leur dérive vers un contre pouvoir est effectivement très inquiétante. Un problème dont on n’entrevoit pas la solution…

      • Il semble que vous m’avez mal lu.
        Je reformule plus simplement.
        Je suis d’accord, c’est une justice orientée mais, désolé, pas une larme pour ce type malfaisant.
        Si vous ne m’avez pas encore compris faites le moi savoir, j’essaierai d’utiliser des mots encore plus simple…

        • Non, désolé mais c’est vous qui ne comprenez rien. Personne ne vous demande de compatir avec Sarko.
          On s’en fout de Sarkozy.
          Il ne s’agit pas non plus de magistrats orientés.
          On se fout de l’orientation des juges.
          Il s’agit de s’émouvoir d’une magistrature abusive.
          Abusive avec Sarkozy aujourd’hui, avec vous demain. Et là vous pourrez pleurer.

        • On ne vous demande pas de pleurer sur Sarko mais sur la justice

          Ce que vous ne comprenez pas, c’est qu’en validant cet arbitraire, un jour ça sera votre tour de la subir

  2. Bonjour Maître,

    vous êtes bien plus à votre affaire sur ce type de sujet que sur les commentaires de la guerre (pardon, « l’opération spéciale ») en Ukraine dans lesquels, propagande contre propagande, je ne suis pas plus convaincus par vos arguments que par ceux de LCI.

    Mais il faut choisir son camp, camarade. Et le mien, sans aucune hésitation et sans la moindre idéalisation, est celui de l’agressé, l’Ukraine.

    Ceci étant dit, je vous rejoins ici sur votre analyse, comme bien souvent.

  3. Ce qui est dommage, c’est que vous ne vous en rendiez compte que quand ça touche aux « élites ».
    Je vous ferai remarquer que, bien que la loi n’ai fondamentalement pas changé sur ces sujets en 40 ans, les magistrats , et surtout depuis Taubira, se sont permis de faire évoluer la jurisprudence de telle manière qu’un citoyen n’a plus DE FACTO le droit de défendre ni son honneur, il est obligé de baisser les yeux devant n’importe quelle racaille, ni ses biens car s’opposer violemment à un vol à une intrusion ou empecher un squatter de re-rentrer chez vous va vous coûter très cher, ni sa personne, le cadre de la légitime défense étant restreint à rien, ni son image, les article 222 n’étant jamais appliqués( sauf quand ça arrange les juges), ni même la loi française quand on voit qu’aujourd’hui, agir dans le sens de l’obligation faire à tout citoyen de faire respecter la loi vous mène en prison, il s’est trouver des juges pour condamner à 5 ans fermes les identitaires qui s’étaient contentés d’alerter sur une situation dans un col alpin.
    Je ne vous ai pas lu vous indigner pour ces exemples d’abus de magistrature.

  4. Je suis d’accord avec vous dans cette affaire Sarkosy et j’ai peine pour son avocat.
    Mais la volonté de régler des comptes de certains magistrats s’est également révélée dans le dossier Tapie et son avocat Lantourne.
    Après 1 moi d’audience , Madame Mée et le Tribunal correctionnel de Paris avaient rendu une décision de relaxe magistrale d’analyse. Cette décision a été infirmée par la Cour d’Appel pour la seule raison d’une dédicace avec erreur dans le nom dans un livre jamais ouvert.
    Il faut lire les décisions civiles et pénales de ce dossier Tapie pour comprendre ces volontés de régler des comptes plutôt que de dire le droit.
    Dans l’affaire Dreyfus les affirmations de l’expert Bertillon comme quoi le bordereau était de la main de Dreyfus ont fait pencher la balance; les condamnations Tapie/Lantourne et Sarkosy/Herzog n’ont même pas ces bases.

  5. Quand je vois que dans le procès en appel, l’avocat général requière 18 mois de sursis à l’encontre de M. Benalla, j’éprouve -encore!- du dégoût envers l’institution judiciaire.
    Je reste très, très curieux de voir quel sera le verdict, mais le sentiment d’un suprême foutage de gueule est déjà acté, comme l’est, de fait, la politisation inacceptable de la Justice qui n’est jamais plus rendue « au nom du peuple » mais par des idéologues selon leur idéologie.
    Autrement dit : par des bourgeois aliénés par leur propre bourgeoisie, qui confondent pouvoir et mépris.
    Cette institution, comme toutes les autres, est vérolée, corrompue, dévoyée par des individus qui jouissent et abusent gravement des pouvoirs qui leurs sont conférés et d’une impunité qu’ils estiment leur revenir naturellement.
    Que personne, dans toute cette surdité, ne s’étonne de la place qui sera faite à beaucoup plus de violence dans un tel cadre inique où l’injustice est faite loi.

    • « Autrement dit : par des bourgeois aliénés par leur propre bourgeoisie, qui confondent pouvoir et mépris ».
      Comme je m’étais déjà exprimé à ce sujet, ILS SONT TOUS FRANCS-MAÇONS à ce niveau-là. Ce n’est donc pas une guerre entre loges mais entre l’élite et le peuple au final même si certains (de l’élite : Sarkozy/Fillion/Tapie/…) y laissent des plumes. Me. Castelnau parlez-nous de votre loge ! Qu’en pense-t-elle de vos questionnements ? Etes-vous son porte-parole officieux ?

  6. Voici un texte, un article d’une importance considérable, non pour convaincre ou critiquer, mais pour mesurer la gravité de la situation et le débat fondamental qui se déroule en Russie, – s’il n’est déjà tranché…

    L’article est publié ce 14 juin 2023, par RT.com, avec un avertissement circonstancié qui permet justement de prendre la mesure de son importance. Il est délibérément édité, et présenté pour ce qu’il est, – comme une façon de dire : “Attention, voici où nous en sommes sur le voie d’une décision d’utiliser du nucléaire” ; et il présente une option qui prétend ajouter : il existe une possibilité d’utiliser un peu de nucléaire pour éviter l’affrontement total, porteur de la fin d’une civilisation, et peut-être de l’espèce humaine. Le titre, avec le nom de son prestigieux auteur, le professeur Sergei Karaganov, le dit parfaitement :

    « En utilisant ses armes nucléaires, la Russie pourrait sauver l’humanité d’une catastrophe globale »

    Nous le présentons sans prétendre une seconde prendre position sur le problème qu’il aborde ; la compréhension profonde de l’existence et des données du problème est ce qui nous importe par-dessus tout… Nous présentons d’abord l’introduction de RT.com, puis nous ajouterons quelques remarques, – disons “objectives”.

    « Une décision difficile mais nécessaire obligerait probablement l’Occident à faire marche arrière, ce qui permettrait de mettre fin plus rapidement à la crise ukrainienne et d’éviter qu’elle ne s’étende à d’autres États.

    » [Ecrit] par le professeur Sergei Karaganov, président honoraire du Conseil russe de la politique étrangère et de défense et superviseur académique à l’École d’économie internationale et d’affaires étrangères de l’École supérieure d’économie (HSE) de Moscou.

    » Cet article a suscité un grand débat parmi les experts russes sur les armes nucléaires, leur rôle et les conditions de leur utilisation.

    » C’est d’autant plus vrai que Sergei Karaganov est un ancien conseiller présidentiel de Boris Eltsine et de Vladimir Poutine, et qu’il dirige le Conseil sur la Politique Étrangère et de Défense, un think tank moscovite réputé.

    » Certaines personnalités ont réagi avec consternation, tandis que d’autres se sont montrées moins critiques.

    » RT a décidé qu’il serait bénéfique pour nos lecteurs de lire l’article dans son intégralité. L’article suivant a été traduit et légèrement adapté. »

    On verra, en lisant ce texte, que toutes les finasseries et arguments concernant l’emploi ou pas du nucléaire “en premier” ne sont même pas évoquée. L’idée qui le conduit est celle d’une formidable pression des événements, dans lesquels chacun joue son rôle, où chacun accuse l’autre, etc. – tout cela finalement secondaire par rapport à l’extraordinaire importance de la décision envisagée.

    Nous observons pour notre part certains facteurs et éléments objectifs, qui permettent de mieux apprécier l’importance du texte, sans porter pour autant le moindre jugement. Le texte lui-même est un fait intellectuel sinon opérationnel, et il faut l’apprécier comme tel.

    La décision de publier
    Il est évident que ce n’est pas RT qui a pris la décision de publier, surtout de cette manière si solennelle. Pour le coup, il est temps de se rappeler que RT est une organisation “publique” russe, comme France24 en France. Par conséquent, la publication a été voulue par Poutine, – et cela justifiant notre titre “Poutine sort du bois”, parce qu’il décide de mettre sur la table l’enjeu final de la guerre.

    On doit noter que la publication intervient le lendemain d’une séance d’information journalistique extrêmement fouillée et ouverte du président de la Fédération de Russie sur la “contre-offensive” ukrainienne. Poutine y a montré une extrême fermeté et proclamé que les résultats d’une semaine de bataille montraient un désastre pour les Ukrainiens et un échec terrible pour leur armement otanien.

    Le contenu du texte
    Le texte du professeur Karaganov est extrêmement précis, notamment sur les conditions d’un éventuel emploi (avertissement pour permettre aux populations qui le désirent de fuir) et les effets sur l’opinion publique et les directions, notamment des pays amis, et particulièrement de la Chine. C’est tout ce qu’on veut sauf un “message secret”, une “menace voilée” ou une pompeuse “affirmation de puissance”. Les cartes sont dramatiquement posée sur la table, en insistant sur le facteur du “moindre des maux”.

    Un effet démonstratif ?
    On notera que cette interprétation dite du “moindre des maux” (un peu de nucléaire pour éviter la guerre générale) rappelle une démarche envisagée en 1944-1945 par certains experts US vis-à-vis de la bombe atomique, comme alternative pour éviter Hiroshima et Nagasaki : une démonstration dans un lieu désert (en mer, au large du Japon ?) de la puissance de l’arme pour éviter son emploi.

    Une référence métaphysique & religieuse
    Le passage le plus inattendue et le plus insolite est celui où le professeur Karaganov habille l’armement nucléaire d’une dimension métaphysique et religieuse.

    « J’ai passé de nombreuses années à étudier l’histoire de la stratégie nucléaire et je suis arrivé à une conclusion sans équivoque, même si elle n’est pas scientifique. L’avènement des armes nucléaires est le résultat de l’intervention du Tout-Puissant qui, consterné que l’humanité ait déclenché deux guerres mondiales en l’espace d’une génération, coûtant des dizaines de millions de vies, nous a donné les armes de l’Armageddon pour montrer à ceux qui avaient perdu la peur de l’enfer que l’enfer existait toujours. C’est sur cette peur qu’a reposé la paix relative des trois quarts de siècle écoulés.

    » Mais aujourd’hui, cette peur a disparu. L’impensable en termes de dissuasion nucléaire est en train de se produire… »

    Il faut se rappeler que de telles références étaient dans l’esprit des scientifiques de Los Alamos lors de l’explosion de la première bombe atomique, comme par exemple ceci écrit par Oppenheimer :

    « Nous savions que le monde ne serait plus le même. Certains ont ri, certains ont pleuré. La plupart étaient silencieux. Je me suis souvenu d’une ligne du texte hindou, le Bhagavad Gita ; Vishnou essaye de persuader le Prince de faire son devoir et, pour l‘impressionner, prend son apparence aux multiples bras et lui dit : ‘Maintenant je suis la Mort, le destructeur des mondes’. Je suppose que nous avons tous pensé cela, d’une façon ou d’une autre”. »

    Plutôt que d’utiliser le titre original (« En utilisant ses armes nucléaires, la Russie pourrait sauver l’humanité d’une catastrophe globale »), nous présentons le texte sous sa forme la plus sobre et la plus neutre.

    dedefensa.org
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    Le texte du professeur Sergei Karaganov
    Notre pays et ses dirigeants me semblent confrontés à un choix difficile. Il devient de plus en plus évident que notre affrontement avec l’Occident ne se terminera pas avec une victoire partielle, – et encore moins écrasante, – en Ukraine.

    Même si nous libérons complètement les régions de Donetsk, Lougansk, Zaporozhye et Kherson, il s’agira d’une victoire minime. Un succès légèrement supérieur consisterait à libérer l’ensemble de l’Ukraine orientale et méridionale en l’espace d’un an ou deux. Mais cela laisserait une partie du pays avec une population ultranationaliste encore plus aigrie et bourrée d’armes, – une plaie suppurante, qui menacerait d’inévitables complications, comme une nouvelle guerre.

    La situation pourrait être pire si nous libérions l’ensemble de l’Ukraine au prix de sacrifices monstrueux et que nous nous retrouvions avec des ruines et une population qui nous déteste en grande partie. Il faudrait plus d’une décennie pour les “rééduquer”.

    “La paix est peu probable dans un avenir proche” : Voici ce que les experts russes pensent de la contre-offensive ukrainienne tant annoncée

    Chacune de ces options, en particulier la dernière, détournera la Russie de l’indispensable déplacement de son centre spirituel, économique, militaire et politique vers l’est de l’Eurasie. Nous resterons bloqués sur une focalisation inutile sur l’Occident. Les territoires de l’Ukraine actuelle, en particulier ceux du centre et de l’ouest, attireront des ressources, tant humaines que financières. Ces régions étaient déjà fortement subventionnées à l’époque soviétique.

    Entretemps, l’hostilité de l’Occident se poursuivra ; elle soutiendra une guerre civile de guérilla à combustion lente.

    Une option plus attrayante est la libération et la réunification de l’est et du sud, et l’imposition de la capitulation aux restes de l’Ukraine avec une démilitarisation complète, créant ainsi un État tampon et amical. Mais un tel résultat ne sera possible que si nous sommes capables de briser la volonté de l’Occident de soutenir la junte de Kiev et de l’utiliser contre nous, en forçant le bloc dirigé par les États-Unis à un repli stratégique.

    Et j’en viens ici à une question cruciale mais rarement abordée. La cause profonde, – et en fait la raison principale – de la crise ukrainienne, ainsi que de nombreux autres conflits dans le monde, et de l’augmentation générale des menaces militaires, est l’échec catastrophique des élites dirigeantes occidentales contemporaines.

    Cette crise s’accompagne d’un changement d’une rapidité sans précédent dans l’équilibre des pouvoirs dans le monde en faveur de la majorité mondiale, sous l’impulsion économique de la Chine et en partie de l’Inde, avec la Russie comme point d’ancrage militaire et stratégique. Cet affaiblissement exaspère non seulement les élites impériales-cosmopolites (le président américain Joe Biden et ses semblables), mais effraie également les élites impériales-nationales (comme son prédécesseur Donald Trump). L’Occident est en train de perdre l’avantage qu’il détient depuis cinq siècles de siphonner les richesses du monde entier en imposant son ordre politique et économique et en établissant sa domination culturelle, principalement par la force brute. Il n’y a donc pas de fin rapide à la confrontation défensive, mais agressive, que l’Occident a déclenchée.

    Cet effondrement moral, politique et économique se prépare depuis le milieu des années 1960. Il a été interrompu par l’effondrement de l’URSS mais il a repris de plus belle dans les années 2000 (les défaites des Américains et de leurs alliés en Irak et en Afghanistan, et la crise du modèle économique occidental en 2008 en ont été les jalons).

    Pour ralentir ce mouvement sismique, l’Occident s’est temporairement consolidé. Les États-Unis ont fait de l’Ukraine un punching-ball pour lier les mains de la Russie, la cheville ouvrière politico-militaire d’un monde non occidental libéré des chaînes du néocolonialisme. Idéalement, bien sûr, les Américains voudraient simplement faire exploser notre pays et ainsi affaiblir radicalement la superpuissance alternative émergente, la Chine. Nous avons été lents à agir de manière préventive, soit parce que nous n’avons pas réalisé l’inévitabilité de l’affrontement, soit parce que nous avons accumulé nos forces. En outre, conformément à la pensée politique et militaire moderne, principalement occidentale, nous avons été imprudents en relevant le seuil d’utilisation des armes nucléaires, imprécis dans l’évaluation de la situation en Ukraine, et nous n’avons pas entièrement réussi à lancer l’opération militaire actuelle.

    En échouant sur le plan intérieur, les élites occidentales ont activement nourri les mauvaises herbes qui ont pris racine dans le sol de 70 années de prospérité, de satiété et de paix. Il s’agit d’idéologies anti-humaines : la négation de la famille, de la patrie, de l’histoire, de l’amour entre les hommes et les femmes, de la foi, du service aux idéaux supérieurs, de tout ce qui est humain. Leur philosophie consiste à éliminer ceux qui résistent. L’objectif est de stériliser les gens afin de réduire leur capacité à résister au capitalisme “globaliste” moderne, qui devient de plus en plus manifestement injuste et nuisible à l’homme et à l’humanité.

    Pendant ce temps, les États-Unis affaiblis détruisent l’Europe occidentale et les autres pays qui en dépendent, en essayant de les pousser à la confrontation qui suivra l’Ukraine. Les élites de la plupart de ces pays ont perdu leurs repères et, paniquées par la crise de leurs propres positions à l’intérieur et à l’extérieur, mènent consciencieusement leurs pays à l’abattoir. En même temps, en raison d’un échec plus important, d’un sentiment d’impuissance, de siècles de russophobie, d’une dégradation intellectuelle et d’une perte de culture stratégique, leur haine antirusse est presque plus intense que celle des États-Unis.

    Ainsi, la trajectoire de la plupart des pays occidentaux pointe clairement vers un nouveau fascisme, que l’on pourrait qualifier de totalitarisme “libéral”.

    À l’avenir, et c’est le plus important, la situation ne fera qu’empirer. Des trêves sont possibles, mais pas de réconciliation. La colère et le désespoir continueront à croître par vagues successives. Ce vecteur du mouvement occidental est un signe clair de la dérive vers le déclenchement de la troisième guerre mondiale. Elle a déjà commencé et pourrait éclater en une véritable conflagration, soit par accident, soit en raison de l’incompétence et de l’irresponsabilité croissantes des cercles dirigeants de l’Occident.

    L’introduction de l’intelligence artificielle et la robotisation de la guerre augmentent le risque d’escalade involontaire. Les machines peuvent agir en dehors du contrôle d’élites confuses.

    La situation est aggravée par le “parasitisme stratégique” : en 75 ans de paix relative, les gens ont oublié les horreurs de la guerre et ont cessé de craindre même les armes nucléaires. Partout, mais surtout en Occident, l’instinct de conservation s’est affaibli.

    J’ai passé de nombreuses années à étudier l’histoire de la stratégie nucléaire et je suis arrivé à une conclusion sans équivoque, même si elle n’est pas scientifique. L’avènement des armes nucléaires est le résultat de l’intervention du Tout-Puissant qui, consterné que l’humanité ait déclenché deux guerres mondiales en l’espace d’une génération, coûtant des dizaines de millions de vies, nous a donné les armes de l’Armageddon pour montrer à ceux qui avaient perdu la peur de l’enfer que l’enfer existait toujours. C’est sur cette peur qu’a reposé la paix relative des trois quarts de siècle écoulés.

    Mais aujourd’hui, cette peur a disparu. L’impensable en termes de dissuasion nucléaire est en train de se produire. Un groupe d’élites dirigeantes, dans un accès de rage désespérée, a déclenché une guerre à grande échelle dans les bas-fonds d’une superpuissance nucléaire.

    Ce n’est pas seulement, et même pas tellement, ce à quoi ressemblera l’ordre mondial futur qui se décide en ce moment dans les champs de l’Ukraine. Il s’agit plutôt de savoir si le monde auquel nous sommes habitués sera préservé ou s’il ne restera que des ruines radioactives, empoisonnant les restes de l’humanité.

    En brisant la volonté de l’Occident d’imposer son agression, nous ne nous sauverons pas seulement nous-mêmes en libérant enfin le monde du joug occidental de cinq siècles, mais nous sauverons aussi l’humanité tout entière. En poussant l’Occident à la catharsis et à l’abandon de l’hégémonie de ses élites, nous le forcerons à reculer devant une catastrophe mondiale. L’humanité aura une nouvelle chance de se développer.

    Solution proposée
    Bien sûr, il y a un combat difficile à mener. Il est également nécessaire de résoudre nos propres problèmes internes, – de se débarrasser enfin de la mentalité occidentalo-centriste et des occidentalistes de la classe administrative. En particulier les compradors et leur mode de pensée particulier. Bien sûr, dans ce domaine, le bloc de l’OTAN nous aide, sans le vouloir.

    Notre voyage de 300 ans autour de l’Europe nous a donné beaucoup de leçons utiles et nous a aidés à former notre grande culture. Chérissons notre héritage européen. Mais il est temps de revenir à la maison, à nous-mêmes. Commençons, avec les bagages que nous avons accumulés, à vivre à notre manière. Nos amis du ministère des affaires étrangères ont récemment fait une véritable percée en qualifiant la Russie d’État civilisationnel dans leur concept de politique étrangère. J’ajouterais : une civilisation de civilisations, ouverte au Nord comme au Sud, à l’Ouest comme à l’Est. Aujourd’hui, le développement s’oriente principalement vers le sud, le nord et, surtout, l’est.

    La confrontation avec l’Occident en Ukraine, quelle que soit son issue, ne doit pas nous détourner du mouvement stratégique interne – spirituel, culturel, économique, politique, militaire et politique, – vers l’Oural, la Sibérie et l’océan Pacifique. Une nouvelle stratégie ouralo-sibérienne est nécessaire, une stratégie qui comprend plusieurs projets puissants d’élévation spirituelle, y compris, bien sûr, la création d’une troisième capitale en Sibérie. Ce mouvement devrait faire partie de la formulation indispensable du “rêve russe”, – l’image de la Russie et du monde à laquelle on aspire.

    J’ai souvent écrit, et je ne suis pas le seul, que les grands États qui n’ont pas de grandes idées cessent d’être tels ou disparaissent tout simplement dans le vide. L’histoire est jonchée de tombes de puissances qui ont perdu leur chemin. Cette idée doit être créée d’en haut et ne pas dépendre, comme le font les imbéciles ou les paresseux, de ce qui vient d’en bas. Elle doit correspondre aux valeurs et aux aspirations les plus profondes des peuples et, surtout, elle doit nous faire tous progresser. Mais c’est à l’élite et aux dirigeants du pays qu’il incombe de la formuler. Le retard dans la présentation d’une telle vision est inacceptable.

    Mais pour que l’avenir devienne réalité, il faut vaincre la résistance des forces du passé, c’est-à-dire de l’Occident. Si nous n’y parvenons pas, il est presque certain que nous assisterons à une véritable guerre mondiale. Elle sera probablement la dernière du genre.

    J’en arrive ici à la partie la plus difficile de cet article. Nous pouvons continuer à faire la guerre pendant encore un an, deux ans ou trois ans, en sacrifiant des milliers et des milliers de nos meilleurs hommes et des dizaines et des centaines de milliers d’autres déchets dans le piège historique tragique de ce qui est aujourd’hui l’Ukraine. Mais cette opération militaire ne peut se terminer par une victoire décisive sans contraindre l’Occident à une retraite stratégique, voire à une capitulation. Nous devons forcer l’Occident à abandonner ses tentatives de retour en arrière, à abandonner ses tentatives de domination mondiale, et le forcer à faire face à ses propres problèmes, à gérer la crise multiforme qu’il traverse actuellement. Pour dire les choses crûment, il est nécessaire que l’Occident aille tout simplement “se faire voir” et mette fin à son ingérence dans la direction de la Russie et du reste du monde.

    Toutefois, pour que cela se produise, les élites occidentales doivent redécouvrir leur propre sens perdu de l’auto-préservation en comprenant que les tentatives d’épuiser la Russie en jouant les Ukrainiens contre elle sont contre-productives pour l’Occident lui-même.

    La crédibilité de la dissuasion nucléaire doit être rétablie en abaissant le seuil inacceptable d’utilisation des armes atomiques et en progressant prudemment mais rapidement sur l’échelle de la dissuasion-escalade. Les premières mesures ont déjà été prises par le biais de déclarations du président et d’autres dirigeants, en commençant à déployer des armes nucléaires et leurs vecteurs au Belarus et en augmentant l’efficacité au combat des forces de dissuasion stratégiques. Il y a pas mal de marches sur cette échelle. J’en compte environ deux douzaines. On pourrait même aller jusqu’à avertir nos compatriotes et toutes les personnes de bonne volonté de la nécessité de quitter leur domicile à proximité des cibles d’éventuelles frappes nucléaires dans les pays qui soutiennent directement le régime de Kiev. L’ennemi doit savoir que nous sommes prêts à lancer une frappe préventive de représailles en réponse à son agression actuelle et passée afin d’éviter le glissement vers une guerre thermonucléaire mondiale.

    J’ai souvent dit et écrit qu’avec une bonne stratégie de dissuasion et même d’utilisation, le risque d’une frappe nucléaire ou autre “en représailles” sur notre territoire peut être minimisé. Ce n’est que s’il y a un fou à la Maison Blanche qui déteste également son propre pays que les États-Unis décideront de frapper pour “défendre” les Européens et inviter à des représailles en sacrifiant un hypothétique Boston pour un Poznan fictif. Les Américains et les Européens de l’Ouest en sont parfaitement conscients, mais ils préfèrent ne pas y penser. Nous aussi, nous avons contribué à cette insouciance par nos déclarations pacifistes. Ayant étudié l’histoire de la stratégie nucléaire américaine, je sais qu’après que l’URSS a acquis une capacité de riposte nucléaire crédible, Washington n’a jamais sérieusement envisagé d’utiliser des armes nucléaires sur le territoire soviétique, même s’il a publiquement bluffé. Lorsque l’utilisation d’armes nucléaires a été envisagée, c’était uniquement contre les forces soviétiques “en progression” en Europe occidentale. Je sais que les chanceliers Helmut Kohl et Helmut Schmidt ont quitté leurs bunkers dès que la question d’une telle utilisation a été soulevée lors d’un exercice.

    La descente dans l’échelle de l’endiguement-escalade devrait être assez rapide. Compte tenu de l’orientation actuelle de l’Occident, – et de la déchéance de la plupart de ses élites, – chaque décision prise est plus incompétente et plus idéologiquement voilée que la précédente. Et, à l’heure actuelle, il ne faut pas s’attendre à ce que ces élites soient remplacées par des élites plus responsables et plus raisonnables. Cela ne se produira qu’après une catharsis, qui conduira à l’abandon de nombreuses ambitions.

    Nous ne pouvons pas répéter le “scénario ukrainien”. Pendant un quart de siècle, nous n’avons pas été écoutés lorsque nous avons averti que l’élargissement de l’OTAN conduirait à la guerre. Nous avons essayé de retarder les choses, de “négocier”, ce qui nous a conduits à un grave conflit armé. Aujourd’hui, le prix de l’indécision est d’un ordre de grandeur plus élevé qu’il ne l’aurait été auparavant.

    Mais que se passe-t-il si les dirigeants occidentaux actuels refusent de reculer ? Peut-être ont-ils perdu tout sens de l’instinct de conservation ? Nous devrons alors frapper un groupe de cibles dans un certain nombre de pays pour ramener à la raison ceux qui l’ont perdue.

    C’est un choix moralement effrayant, – nous utiliserions l’arme de Dieu et nous nous condamnerions à une grande perte spirituelle. Mais si nous ne le faisons pas, non seulement la Russie risque de périr, mais c’est très probablement toute la civilisation humaine qui s’éteindra.

    Nous devrons faire ce choix nous-mêmes. Même nos amis et sympathisants ne le soutiendront pas dans un premier temps. Si j’étais Chinois, je ne voudrais pas d’une fin abrupte et décisive du conflit, car cela ferait reculer les forces américaines et leur permettrait de rassembler leurs forces en vue d’une bataille décisive, – soit directement, soit, dans la meilleure tradition de Sun Tzu, en forçant l’ennemi à battre en retraite sans combattre. En tant que Chinois, je m’opposerais également à l’utilisation d’armes nucléaires, car porter la confrontation au niveau nucléaire signifie intervenir dans une zone où mon pays est encore faible.

    De plus, une action décisive n’est pas conforme à la philosophie de la politique étrangère chinoise, qui met l’accent sur les facteurs économiques (avec l’accumulation de la puissance militaire) et évite la confrontation directe. Je soutiendrais un allié en lui fournissant une couverture arrière, mais j’agirais derrière lui et n’entrerais pas dans la mêlée. (Dans ce cas, peut-être que je ne comprends pas assez bien cette philosophie et que j’attribue à mes amis chinois des motivations qui ne sont pas les leurs). Si la Russie utilise des armes nucléaires, Pékin le condamnera. Mais les Chinois se réjouiraient également de savoir que la réputation et la position des États-Unis ont été durement touchées.

    Comment réagirions-nous si (à Dieu ne plaise !) le Pakistan attaquait l’Inde, ou vice versa ? Nous serions horrifiés. Nous serions contrariés que le tabou nucléaire ait été brisé. Alors aidons les victimes et modifions notre doctrine nucléaire en conséquence.

    Pour l’Inde et d’autres pays de la majorité mondiale, y compris les États dotés d’armes nucléaires (Pakistan, Israël), l’utilisation d’armes nucléaires est inacceptable, tant pour des raisons morales que géostratégiques. Si elles sont utilisées “avec succès”, le tabou nucléaire, – l’idée que de telles armes ne devraient jamais être utilisées et que leur utilisation est une voie directe vers l’Armageddon nucléaire – sera dévalorisé. Il est peu probable que nous gagnions rapidement des soutiens, même si de nombreux habitants du Sud éprouveraient de la satisfaction à voir vaincre leurs anciens oppresseurs qui les ont pillés, ont perpétré des génocides et leur ont imposé une culture étrangère.

    Mais en fin de compte, les vainqueurs ne sont pas jugés. Et les sauveurs sont remerciés. La culture politique de l’Europe occidentale ne se souvient pas, mais le reste du monde s’en souvient (et avec gratitude), de la manière dont nous avons aidé les Chinois à se libérer de la brutale occupation japonaise et de nombreuses colonies occidentales à se défaire du joug colonial.

    Bien sûr, s’ils ne nous comprennent pas au début, ils seront d’autant plus incités à s’éduquer. Néanmoins, il est très probable que nous puissions gagner et concentrer les esprits des États ennemis sans mesures extrêmes, et les forcer à battre en retraite. Au bout de quelques années, nous deviendrons les arrières de la Chine, comme elle le fait actuellement pour nous, en la soutenant dans sa lutte contre les États-Unis. Ce combat pourra alors être évité sans qu’il y ait une grande guerre. Et nous gagnerons ensemble pour le bien de tous, y compris des peuples des pays occidentaux.

    A ce stade, la Russie et le reste de l’humanité traverseront toutes les épines et tous les traumatismes pour entrer dans un avenir que je vois radieux, – multipolaire, multiculturel, multicolore, – et qui donnera aux pays et aux peuples la possibilité de construire leur propre destin en plus du destin commun, qui devrait unir le monde entier.

    Sergei Karaganov

    • Il a été répondu à cet article Aujourd’hui dans RT, par un autre gros calibre russe .
      Mais ce qui est « marrant » c’est d’imaginer la tête des fier-à-bras polonais en apprenant que la direction russe est partagée entre ceux qui veulent vitrifier la Pologne de suite pour apprendre aux occidentaux à être polis et ceux qui sont pour la vitrifier si un seul de leurs uniformes passe la frontière Ukrainienne. 😂😂😂
      Mais visiblement, à Moscou, il y a consensus pour commencer par la Pologne s’il faut vitrifier quelque chose.
      Ça calmera peut-être un peu leurs ardeurs. Ils nous ont déjà causé un désastre sous Napoléon et un autre en 39, aux conséquences chaque fois pire, il serait peut-être bien que ces nains nous lâchent la grappe.
      Bien fait pour nous, on n’aurait pas du recréer leur pays en 1920. Pays disparu depuis 1795.

  7. Ce n’est pas un risque, c’est depuis bien longtemps (plusieurs décennies) un FAIT.

  8. Décidément, ces « écologistes » sont aussi défenseurs de l’environnement que moi je suis Pape !
    On constate d’abord que, des écologistes abîment des oeuvres d’art (cf récemment un tableau de Claude Monet à Stockholm).
    On sait que ces gens qualifient vite de « fascistes » ceux qui ne pensent pas comme eux.
    Mais, un constat historique. En 1933-1934 qui s’attaquait à des oeuvres culturelles ? Qui brûlait des livres ? On sait que les nazis faisaient cela.
    ———————————————————————————–
    Maintenant, alors qu’on pollue moins avec des transports par rail que par des camions, des écologistes, soutenus par EELV et LFI du désastreux politicard Mélenchon (1) s’attaquent au Lyon-Turin.

    Je m’interrogeais sur la position du PCF. Car ce parti a signé en 2022, avec LFI, le PS et EELV, un accord désastreux formant l’immonde NUPES.

    Je renvoie à un article de « l’Humanité ». On met du temps pour comprendre la position du PCF, mais, à la fin, ouf ! On finit par comprendre que ce parti est favorable au projet Lyon-Turin.
    https://www.humanite.fr/planete/lyon-turin/projet-lyon-turin-les-associations-bravent-l-interdiction-de-manifester-799310

    (1) Dommage que François Ruffin que j’apprécie mieux que le politicard JLM soit encore dans le groupe LFI. Et qu’il ait été obligé de faire marche arrière concernant de bonnes idées qu’il défendait, marche arrière sous la pression de bon nombre de totalitaires de LFI.

    • Bonjour Pépé
      « On finit par comprendre que ce parti (PCF) est favorable au projet Lyon-Turin. »

      Forcément s’il ne veut pas perdre définitivement l’appui des ses cheminots.

      Le paradoxe, c’est que le PCF soutient ce projet ainsi que les projet de Ferroutage (Cf base Rail-Route à Aiton) et les « écolos » dans leur contradiction font la promotion du rail mais en refuse les infrastructures nécessaires. Cette contradiction de ces gigolos amène tous les effets négatifs dans tous les domaines. Le Ferroviaire en prend sa part …

      Le plus drôle c’est LFI et le PS … voilà à gauche dans le paysage français. En même temps ailleurs c’est pas terrible non plus 🙁

      • Quant à LFI et PS, c’est le bon vieux casse-noix des « travailleurs » à gauche pris entre les gaucho-anar et les socialistes du congrès de tour 1920. Ces deux pôles qui se pensent « intellectuel et expert ». Que de dispersions …

        Aucune voie de sortie dans ce bazar qui est en plus sous l’influence de doxas venus de l’étranger.

    • @PEPE.
      Si je puis me permette : l’écologie n’est pas la défense de l’environnement, c’est « l’étude des milieux où vivent les êtres vivants, ainsi que des rapports de ces êtres (entre eux et) avec le milieu ». Une branche de la biologie ! Mais un certain courant idéologique s’est accaparé cette science. ce sont des usurpateurs ! Si ils étaient de droite ils iraient en prison pour « usurpation de titre universitaire ». Mais ils sont de gauche…et tout va bien pour eux ! Pas de médias, pas de magistrats pour les inquiéter. Ce qui rejoint l’objet de l’article de Me De Castelnau. Les voyous qui détruisent des œuvres ne sont pas des écologistes ces sont des voyous. Les voyous de eElv ne sont pas écologistes, la nupEs NE PEUX PAS ETRE ECOLOGIQUE ! Un parti politique ne peut être ni biologique ni écologique ! Enfin si les mots ont encore un sens. Ces cochons – comme pare-feu au cas ou – parle « d’écologie politique » pour noyer le poisson…et ça fonctionne : la preuve. Mais ça n’existe pas l’écologie politique, 🙂 ni la biologie politique d’ailleurs.

  9. Bo jour,

    Votre propos serait pleinement audible si vous étiez aussi sévère avec votre corps. Après tout, pourquoi persister à parler de gouvernement des juges quand il y a tant d’avocats dans la sphère politique ? Il me semble par exemple que c’est bien là la profession d’un ancien président de la république, toujours vivant, et malencontreusement condamné. Où se situe l’esprit de caste dans ce cas ? Chez ceux qui condamnent un acte délictuel ou ceux qui condamnent la condamnation ? Certains avocats ont malheureusement pris l’habitude de dresser l’opinion publique conte l’institution judiciaire. C’est assez facile, ça fait le buzz et nos chers médias ont là un grain à moudre tout trouvé. Business is business non ?

    Bonne journée

    • Pouvez vous le dire le pourcentage d’avocats parmis ce corps de la magistrature? 20%, 30,40%?
      Est-il normal que plus de la moitié des entrants , à l’ENM ne viennent pas d’une fac de droit mais de…Science Po?
      Pas besoin des avocats pour dresser les citoyen contre des juges abusifs ou partisans ou corrompus ou dévoyés. Merci de ne pas dire que c’est un corps qui est en cause. C’est une partie de ce corps.
      D’ailleurs, avec certains des juges et procureurs, il n’y a même plus besoin d’avocats.
      Ne tuez pas le messager svp.

  10. Soyons lucides; plus le temps passe plus celà demange certains d’utiliser cette arme merveilleus….

  11. Si la justice ne faisait rien, tout le monde lui tomberait dessus pour critiquer – à juste titre – une collusion avec le monde politique. Pour ma part, je salue l’action de la justice qui n’hésite pas à agir contre des hommes politiques, de Cahuzac – alors ministre PS du budget – à Sarkozy ou Fillon. Il faut voir que ceux qui hurlent à la mort quand on s’en prend à leurs grands hommes, Sarkozy ou Fillon, se félicitaient de la l’action de la Justice contre Cahuzac…

  12. C’est curieux , mais avant 2012 , la justice civile tournait comme une horloge .
    https://www.barreau-marseille.avocat.fr/fr/actualites/id-561-focus-la-fraude-au-rib-bientot-pire-que-magendie-lire-la-lettre-de-la-scb-n-34-d-avril-2023
    La Lettre de la S.C.B. n° 34, d’avril 2023: La fraude au RIB, bientôt pire que MAGENDIE ?
    Entre 2018 et 2021, les sinistres ayant pour cause les nouvelles règles de procédure d’appel ont entraîné, selon les Barreaux, une hausse du coût de la sinistralité de l’ordre de 25 à 30%.
    La conséquence pour les avocats : une augmentation du même ordre du niveau des primes des contrats de Responsabilité Civile Professionnelle collectifs souscrits par les Barreaux au profit des avocats inscrits.
    Dans quelques mois, la Compagnie MMA résiliera sa police de groupe avec le CNB, interdisant aux 70.874 avocats (à comparer, en qualification, aux généralistes, infirmiers et aides-soignants), successeurs des 444 avoués (à comparer, en nombre et en expertise, aux 652 neurochirurgiens français), d’accéder aux Cours d’appel. Ceci bloquera, non seulement les Cours, mais en amont, les tribunaux, et en aval, la Cour de cassation. Cependant, un État, c’est trois pouvoirs: législatif, exécutif, judiciaire. Supprimez l’un des trois, l’État s’écroule. L’article 68 de la Constitution …

  13. Pour info, voici ce que vient d’écrire Ron Paul il y a quelques jours sur son site (qui vise les néocons comme Nuland et Blinken sans les nommer), je cite juste deux extraits intéressants :
    1- « Après 20 ans de combat contre les Talibans en Afghanistan, le résultat est qu’on a des Talibans en Afghanistan ! Avec un coût de l’ordre de 3000 milliards de dollars. Mais le complexe militaro-industriel et les groupes de réflexion poussant à la guerre et les grands médias glorifiant la guerre ont tous été bien payés. »
    2- « Les grands médias sont paniqués par le fait que sur les 48 milliards de dollars affectés à l’Ukraine, il ne reste que 6 milliards de dollars. Cela ne suffira pas à soutenir le « Projet Ukraine » plus de quelques semaines. Avec la marée de l’opinion publique américaine qui s’oppose massivement à l’idée de jeter plus d’argent dans le trou noir corrompu appelé « Ukraine », même les politiciens sans scrupules vont commencer à écouter l’alliance progressiste/conservatrice émergente au Congrès qui en a assez ».
    C’est sûr que la paix coûte infiniment moins cher que la guerre, et les Américains de la rue commencent à s’en rendre compte.
    http://ronpaulinstitute.org/archives/featured-articles/2023/may/22/biden-s-running-out-of-ukraine-money-good/

  14. J’ai lu qu’Eric Zemmour comparait devant un tribunal pour « propos homophobes » sur plainte de « stop homophobie ».
    En fait, Zemmour n’avait pas critiqué les homosexuels, mais les lobbies LGBT et des groupes « féministes ».

    Un constat.
    Houria Bouteldja (parti des Indigènes de la République) qualifie les homosexuels de « tarlouzes ». Y a-t-il eu la moindre plainte contre elle de « stop homophobie » ?

    Elle dit aussi que lorsqu’une femme noire est violée par un homme noir, elle ne doit pas porter plainte ? Y a-t-il eu contre elle la moindre plainte d’une association « féministe » ?

    Elle est hostile aussi aux couples « mixtes ». Quelle horreur pour elle un mariage entre un noir et une blanche ou un blanc et une noire ! Y a-t-il eu la moindre plainte contre elle de Sos-Racisme et autre lobby « antiraciste » ?

    Il faut dire qu’Houria Bouteldja a appelé à voter Mélenchon en 2022 alors : intouchable pour les lobbies !

    Serai-je le prochain poursuivi pour misogynie ?
    Je m’explique.
    Lorsque je suis devant une porte et qu’une dame s’y trouve aussi, je la laisse passer avant moi.
    Or, selon la « féministe » Caroline de Haas, la galanterie, c’est de la misogynie !!!

    Décidément, les homosexuels ont tout à craindre des lobbies LGBT, les femmes ont tout à craindre des lobbies néo-« féministes » et les personnes d’origine africaine ou asiatique ont tout à craindre des associations « antiracistes » !

  15. Bon, allez, tout le monde en prison! Oups! On m’informe dans mon oreillette que c’est déjà le cas…

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