Renaud Van Ruymbeke, une petite oraison

Instant disparition

Renaud Van Ruymbeke vient de mourir. Comme à chaque disparition d’une personnalité connue, on va être confronté au choix entre trois positions.

Celle des romains pour lesquels « De mortuis nihil nisi bonum », c’est-à-dire « d’un mort on ne peut dire que du bien ».

Celle de Voltaire pour lequel : « nous devons des égards aux vivants, aux morts nous devons que la vérité ».

Celle de Donald Westlake : « d’un mort, si vous ne pouvez pas dire de mal, ne dites rien ».

Cette fois-ci, je ne vais pas choisir et je vais m’en tirer lâchement en reproduisant le portrait que je lui avais consacré dans mon dernier bouquin (que vous devriez tous avoir lu, tas de brutes).

Le voilà, « ne varietur » et finalement il fera l’affaire. Renaud Van Ruymbeke était un homme respectable, ils ne sont pas si nombreux.

« Nous dirons également quelques mots concernant Renaud Van Ruymbeke qui incarne bien les contradictions qui ont traversé le corps de la magistrature notamment chez ceux que la presse et l’opinion publique avaient intronisés comme chevaliers blancs. Magistrat vedette, sensible à ce statut mais n’en jouant pas, il affichait une incontestable probité professionnelle, qui fut cependant parfois écornée par des convictions personnelles et politiques. Il était atypique parmi ces « justiciers » qui faisaient la une dans les années 1990 et 2000 mais aussi parmi les militants discrets aux forts engagements politiques, qui vont leur succéder.

Voilà un magistrat de qualité, qui, malgré parfois des comportements limites, a réussi à tirer son épingle du jeu au cours d’une longue carrière qu’il a finalement terminée au pôle financier du tribunal de Paris. Issu d’une famille d’énarques, il avait préféré l’ENM et s’il a plusieurs fois laissé transparaître ses engagements à gauche, on peut difficilement lui reprocher d’avoir essayé de battre monnaie en utilisant sa gloire médiatique. Il s’était signalé au début de sa carrière dans une affaire qui concernait directement Robert Boulin alors ministre qui, victime d’une violente campagne de presse, se suicidera. Cela lui fut reproché. Parmi les réussites on citera l’affaire Emmanuelli débouchant sur la condamnation de celui-ci alors trésorier du PS, et la reprise de l’affaire Elf saccagée par Eva Joly et Laurence Vichnievsky, avant qu’elles partent se reconvertir dans la politique. Pour les catastrophes ce fut la fameuse affaire Clearstream où il se fit proprement manipuler par l’État profond et se permit quelques sérieux manquements à la déontologie professionnelle, voire à la loi. Objet d’une procédure disciplinaire que le conseil supérieur de la magistrature (CSM) fit traîner en longueur. Ses fortes sympathies à gauche lui assurèrent la grande mansuétude de Christiane Taubira qui renonça à procéder à la moindre sanction.

Il sera par la suite chargé d’un grand nombre de dossiers financiers spectaculaires, comme la célébrissime affaire Kerviel qu’il réussira à démêler et à rendre claire, ce qui était un exploit. Moins heureux avec l’affaire Karachi qui traînait interminablement, il sera plus efficace avec l’affaire Cahuzac. Il ne put aller bien loin avec Richard Ferrand, dans l’affaire des mutuelles de Bretagne, puisque protection d’Emmanuel Macron oblige, il fut prestement dessaisi par la Cour de cassation. Ceux qui l’ont pratiqué lui ont reconnu une certaine objectivité et un grand professionnalisme. C’est dans les procédures contre le Front National qu’il laissera assez lourdement transparaître ses convictions politiques.

Il prendra sa retraite doté d’une image de rigueur et de probité qu’il ne sont pas très nombreux à partager, dans le petit groupe de ces justiciers adulés par les médias, soutenus par l’opinion et entretenant trop souvent des rapports assez élastiques avec le respect de la loi et des principes. »

Régis de Castelnau

10 Commentaires

  1. Ce type aura finalement lutté contre tous les sales types de la République.
    L’affaire Clearstream est trés compliquée…Dés fois vaut mieux se taire…Pour ne pas finir comme Boulin, ou les juges italiens, n’est-ce pas?
    On y trouve des Sarkosy, des Chevènement, bref des gens qui un jour ou l’autre ont fait transiter des fonds, commissions et autres sur des armes…Sur des comptes non publiés. Depuis un Denis Robert ferme sa gueule…Prudence, les fonds de la rade de Marseille sont pleines de Denis Robert, les pieds dans le béton. Plus efficace qu’une flaque d’eau…
    Médiatique le mec? Oui, mais à l’insu de son plein grès…
    Dés fois, pour survivre face aux salopards, on a que ça…
    J’avoue ne pas trop connaitre le dossier…
    C’est juste comme ça vient….

  2. Un magistrat professionnel dans le spectacle, comme K. Mbappe footballeur professionnel bien mieux payé et tous deux très médiatiques et compatibles avec le maintien de l’oligarchie capitaliste aux manettes de l’Etat, disons de ce qu’il en reste.

  3. Votre jugement est finalement très proche de la définition de Voltaire et, ce coup-ci, très bon et impartial! Bref il a mérité sa retraite mais il n’a pas eu que des réussites, comme beaucoup, pour ne pas dire tout le monde, et même lui a pu sucomber à ses penchants politiques, le plus grand défaut en effet de notre justice actuelle.

    • Je me réponds
      Erreur de ma part? Sur youtube j’accédais par le lien youtube.com/@RegisdeCastelnauVududroit/videos qui ne fonctionne plus. Par contre youtube.com/c/RégisdeCastelnauVududroit/videos fonctionne.

  4. « Suicide » de Robert Boulin? A voir. J’ai étudié le dossier (à mon niveau), et je suis convaincu que Boulin a été liquidé. Vous en savez sans doute plus que moi.

  5. Maitre,

    c’est quoi le respect de la loi?

    un crime ou une illusion?

  6. Est-ce indiscret de demander de quoi est mort monsieur Renaud Van Ruymbeke ?

    Aucun article ne mentionne les ou la cause de son décès…

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