« JUSTE UN MUR »

« M. Netanyahou ne doit pas oublier que son pays a été créé par une décision de l’ONU. » En s’essayant à faire de la généalogie historique avec l’inconséquence qui lui est coutumière, Emmanuel Macron a provoqué à son corps défendant une cascade de révélations désastreuses, premièrement parce qu’il prétend affirmer comme allant de soi le retour aux sources d’une légalité internationale qu’il s’échine à miner de l’intérieur depuis de nombreux mois, deuxièmement parce qu’il a obligé son interlocuteur à faire s’échapper la vérité de l’universalisme occidental par la brèche que les tenants de cet universalisme ont eux-mêmes ouverte dans leur propre récit historique. Ce faisant, héritier minuscule d’une puissance gaullienne non alignée, il a offert au monde les ultimes vestiges d’un « inconscient français » dont il se trouve, comme Louis XVI en son temps, l’impuissant dépositaire.

L’équilibre délicat que Macron et Nétanyahou ont déréglé comme des éléphants égarés dans un magasin de porcelaine, c’est d’abord celui qui articule l’affirmation première des souverainetés nationales et leur capacité à s’exercer dans un cadre juridique fondé sur leur reconnaissance mutuelle. D’une certaine manière, Netanyahou a été forcé de rappeler que le droit international ne peut pas se fonder sur lui-même et qu’il est inséparable des rapports de force à partir desquels il a été institué. En d’autres termes, à rebours de toutes les mythologies de « fin de l’Histoire » qui hantent notre imaginaire occidental depuis le début des années 90, il a fallu se rappeler que le Politique était premier et qu’il revenait au droit international de constater, consacrer et réguler, en fonction de critères préalablement et communément admis, l’exercice des souverainetés collectives. De ce point de vue, ce n’est pas Israël qui met en échec le droit international, c’est l’état du droit international qui révèle son impuissance par déplacement relatif du sous-jacent géopolitique. Qu’Israël soit le lieu où se cristallise et se révèle un tel décalage ne tient pas du hasard. Tandis que le sionisme originel participait de la mentalité coloniale qui formait le bain culturel de l’Occident à la fin du XIXème siècle, il trouve sa reconnaissance juridique au moment-même où les débuts de la Guerre froide signent l’arrêt de mort des colonialismes français et anglais. Bardé de toutes les justifications morales possibles, il est condamné à en perpétuer la logique sur le territoire des anciens mandats de la SDN. Il y a donc un « effet retard » dramatiquement consubstantiel à la chronologie de l’État d’Israël, dont les Juifs ne sont en rien responsables, et qui décompense aujourd’hui des décennies de contradictions accumulées.

Mais ce n’est pas tout. En faisant apparaître comme une inversion logique la tentative de réanimer une mythologie défunte, Macron a démontré par l’absurde qu’il n’était pas possible d’amorcer une historicisation d’Israël sans faire remonter des soubassements imaginaires qui ne sont pas dicibles en dehors du paradigme fondamentaliste d’un Smotrich ou d’un Netanyahou. En effet, si l’on refuse d’admettre la fiction juridique d’après laquelle l’histoire d’Israël aurait débuté en 1948 par une décision de l’ONU, alors on est bien obligé d’admettre avec les extrêmes-droites d’ici et d’ailleurs que la « victoire de 1948 » rétablit un continuum de 3000 ans. Cela contraint le récit occidental à renouer avec des superstitions religieuses dont la modernité se flattait de nous avoir libérés jusqu’à ce qu’elle attribue une valeur d’attestation cadastrale à des vestiges archéologiques « qui ne sauraient être juste un Mur ». De ce point de vue, Israël n’est rien d’autre qu’un miroir dans le reflet duquel notre folie est seule capable de s’admirer – folie dédoublée qui combat ici au nom du « droit au blasphème » et de la « laïcité » (« Je suis Charlie ») ce qu’elle promeut là-bas au nom de la « civilisation » et des « valeurs » (Manuel Valls : « si Israël tombe, c’est nous qui tombons »). Voici comment, au bout du bout d’une imposture identitaire que d’aucuns s’imaginent avoir combattue depuis des décennies avec les armes de l’« universalisme », on assiste à une montée aux extrêmes de délires millénaristes qui pourraient prêter à sourire s’ils n’étaient armés du bouton nucléaire. Ce qui frappe surtout, face à ces accès de dissonance cognitive, c’est leur réception silencieuse et fascinée, comme s’il n’y avait plus aucune digue, plus aucune force de rappel qui travaille dans les profondeurs de la société. Plus rien qui songe à s’empêcher. Relâchement général d’une démence que ne parvient même plus à contenir un dernier soupçon d’amour-propre.

Ce que nous percevons comme des confrontations ne sont que des dédoublements successifs, des « oscillations de différences » qui font apparaître peu à peu le « double monstrueux » – incarnation d’une menace qui est en même temps ce qu’il y a de plus désirable. Dans ces conditions, il est impossible que la catastrophe subie par les Juifs il y a 80 ans, et à la réparation de laquelle nous appliquons la « bonne conscience de notre mauvaise conscience », ne ressurgisse d’une manière ou d’une autre, sous une forme d’autant plus violente qu’elle sera inattendue et que nous aurons nos regards fixés au rétroviseur. Toutes les leçons que nous croyons avoir tirées de l’histoire ne nous serviront alors que d’alibi pour mieux recommencer.

Ce « retour du refoulé » n’est pas le fait d’un parti spécifique contre lequel il suffirait de « faire barrage ». Elle est notre vérité collective, la vérité de l’Occident terminal que certains choisissent maintenant d’assumer au péril de leur équilibre psychique tandis que d’autres (parfois les mêmes, dans un contexte différent) s’escriment encore à la refouler…

Le conflit israélo-palestinien n’a donc rien de périphérique : comme le dialogue d’Antigone et de Créon, il est un glaive planté au cœur de notre identité collective. Ce n’est qu’en le restituant comme tel, c’est-à-dire comme une tragédie, qu’il sera possible d’en sortir et de le vivre rétrospectivement comme une épreuve salvatrice, comme une obligation de nous hisser au-dessus de nous-mêmes.

Pour cela, il ne faudrait pas se contenter de produire des renversements à l’intérieur du « paradigme des antériorités rivales ». Il conviendrait de renverser le paradigme lui-même pour sortir du « j’étais là en premier ». Des entités réellement démocratiques pourraient alors émerger de l’« ici et maintenant » que vivent réellement les populations locales, fracturées par des rapports de classe qu’il s’agirait de dégager des clivages identitaires qui les brouillent jusqu’à présent. Cela supposerait en parallèle un retrait radical des actuelles puissances coloniales (Europe, USA) et une mise au pas de tous ceux qui font d’Israël leur « résidence secondaire identitaire ». Comme tout se noue dans cette tête d’épingle de l’« espace-temps occidental », une telle libération ne pourrait avoir lieu que si les peuples européens se décolonisaient eux-mêmes de l’intérieur, c’est-à-dire s’ils parvenaient à s’instituer démocratiquement en rupture avec l’ordre socio-économique dont ils sont actuellement tributaires…

Plus que jamais, face à tous les fraudeurs de mémoire, le moment est venu de « faire le mur ».

Benoît Girard

3 Commentaires

  1. …Oui mais ce mur ne provient que d’un mur de soutènement construit par Hérode.
    Hérode, un bon fidèle de l’empire romain.
    Ceci dit, il y a comme une inversion des valeurs, les chrétiens ont toujours vu les juifs comme les meurtriers du Christ.
    Désormais, ils ont gain de cause…
    Etonnant non?
    Néanmoins je préfère l’ ananas frais.

  2. Autre remarque…L’ONU a mal commencé avec la guerre de Corée. Le « machin », nommé ainsi par de Gaulle, fut boudé par Staline. (A mon avis, une erreur)
    Les USA aprés avoir battu le Japon, ont essayé de récupérer leurs colonies. Dont la Corée. Mais les coréens du nord, communistes n’ont pas voulu se laisser faire.
    Les américains, sous mandat de l’ONU sont aller protéger ces pauvres coréens du sud, qui n’en demandaient pas tant. Il fallait les sauver de l’ogre Staline et de Kim Jong. Dictateur communiste qui fait encore peur aux petits enfants blonds.
    Depuis, les USA n’ont fait que bafouer la charte de l’ONU, ainsi que la France en plus depuis Chirac, Sarkosy, Hollande et Macron…
    C’est pour ça que les discours de Macron sont rigolos.
    Comme tout ses prédécesseurs…
    On y ajoute Netanyaou, et ça nous fait des propos digne des Monthy Python.

  3. Le droit et mon expérience de plusieurs dizaines d’années d’exercice de la profession de Cicéron m’ont appris qu’il n’y a pas d’action sans intérêt.
    Ainsi, lorsqu’on analyse le génocide des palestiniens, maintenant des libanais, puis des syriens, des yéménites, des iraquiens, des iraniens et qui sait des égyptiens, des saoudiens, à terme, des tous les arabes, des perses et de quiconque habite le Moyen-Orient et à commis le crime de posséder de l’«or noir», on ne peut quand conclure que tout s’explique par l’intérêt des génocidaires de leur piller leur «or noir», pour soi-même et pour en priver ses adversaires, tout simplement.
    Les enquêteurs de la police résumaient ce principe par une phrase assassine pour les criminels qui se disait comme suit:« [D]is-moi qui a un intérêt dans le crime et je te dirai qui l’a commis?».L’expérience m’a démontré, hors de tout doute raisonnable, qu’ils avaient raison.
    S’agissant maintenant d’appliquer ce principe aux faits que constatons-nous?
    Du gaz naturel de grande valeur a été découvert au large de la bande de Gaza, des négociations âpres et difficiles sur l’exploitation de ce gaz ont opposées israéliens, palestiniens, américains et européens.Il fut résolu que le gaz serait exploité par les américains qui verseraient des redevances aux israéliens et à l’Autorité palestinienne, au grand dam du Hamas qui aurait menacé d’attaquer les plates-formes de forage en représailles.
    Conséquences: le Hamas organisent l’opération «[Dé]luge d’Al Aqsa» avec d’autres factions de la résistance palestinienne à laquelle les sionazis israéliens répondent par un génocide avec l’armement,la protection et la bénédiction des capitalistes U$,allemand, anglais,français, en somme, tous ceux qui devaient profiter de cette exploitation des gisements gaziers et tout particulièrement,les allemands privés du gaz russe bon marché et dont l’industrie est au bord de la crise.
    Pour ceux qui en doutent, posez-vous les questions qui tuent: pourquoi l’Autorité palestinienne et son chef, le grabataire Mahmoud Abbas et son organisation, sont si absents des combats et que les U$A ont construit un «port» pour acheminer de l’aide humanitaire qu’ils n’acheminent pas?
    Plus encore, qu’ont de commun tous ces pays victimes des agressions génocidaires des U$A, de l’Union Européenne et des sionazis?
    Est-ce parce qu’ils sont musulmans? Alors pourquoi ne pas attaquer la Turquie, l’Indonésie,l’Égypte et tous les autres pays musulmans?
    Est-ce parce qu’ils combattraient Israël?Alors pourquoi ne pas agresser l’Algérie et la Somalie?Quand la Syrie, l’Iraq, la Lybie ont-ils attaqué Israël depuis que les U$A et leurs va$$aux anglais, allemand,polonais et tous leurs agents de l’État islamique au Levant ont mis ces pays à feu et à sang pour leur voler leur «or noir»?
    De toute évidence, la calamité qui a frappé le Moyen-Orient se résume à l’«or noir» que les capitalistes mondiaux veulent voler aux arabes par l’implantation de la base militaire agressive qu’est Israël qu’y ont implanté les colonialistes franco-britanniques depuis 1917, suivi des impérialistes soviéto-américain depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale.
    Les puissances étrangères ne peuvent avouer candidement avoir implanter cette base militaire peuplé de mercenaires et de leurs progénitures pour voler l’«or noir» des arabes, la franchise et l’honnêteté sont contraire à leur nature alors ils ont inventé un roman savon digne de l’Iliade et de l’Odyssée sur le retour du «peuple sans terre dans une terre sans peuple» (1 ière version) d’où ils durent assassiner et chasser 750,000 «non peuple» et soumettre à l’apartheid 2,5 millions d’autres «non peuple»; puis ce fut que «cette terre était un désert» ( 2 ième version) où poussait des olives, des raisins, des dattes et une multitude d’agrumes qu’ils ont volé en tuant les palestiniens qui y vivaient; les «fous de Yahvé» en sont réduits dans leur hystérie à parler d’Amalek, d’une terre donnée par leur Dieu, il y a 3000 ans, qu’ils seraient le «peuple élu» et toutes ces aberrations mentales ( 3 ième version) alors que leurs mercenaires génocidaires eux crient à la «défense d’Israël» en génocidant des poupons, des enfants, des femmes, des vieillards, se livrant aux mêmes monstruosités que les nazis à Varsovie en 1943 (4 ième version).
    Que ces génocidaires barbares, sans cœur et sans un iota d’humanité, agissent comme ils le font est condamnable et méprisable mais pourquoi l’Occident collectif, les U$A et leurs va$$aux, soutiennent-ils ce génocide jusqu’au boutiste, pourquoi cautionnent-ils les explications démentielles et démagogiques de ce génocide?Pourquoi ont-ils remplacé les «juifs» par les musulmans dans leur volonté génocidaire?Qui d’intelligent peut croire les théories démoniaques des sionazis sur l’implantation de la base militaire qu’est Israël en Palestine?
    Logiquement personne, dès lors, c’est l’intérêt de bénéficier du vol du gaz des palestiniens et de l’«or noir» des arabes qui seules peuvent expliquer ce génocide et son soutien «sans limite» par l’Occident collectif.
    «Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal mais par ceux qui voient et ne font rien» ( A. Einstein) et j’oserais ajouter ET QUI EN PROFITENT POUR FAIRE ROULER LEURS GROSSES VOITURES ET PERPÉTUER LEUR PARADIS DU GOLDEN MILLIARD AU FRAIS DES EXPLOITÉS DE LA JUNGLE.

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