Les formes qu’ont pris les débats depuis la polémique sur la réservation d’un Aqualand par une association salafiste dans les Bouches-du-Rhône, suivie par celle concernant l’arrêté municipal du maire de Cannes interdisant pour le mois d’août le port du Burkini sur une plage de sa ville, témoignent d’un changement politique important. Les attentats du début de l’été ont provoqué un changement de perspective au sein du peuple Français. Les massacres de Charlie et du Bataclan avaient produit un effet de sidération et d’anxiété. La perte de confiance dans les autorités publiques que toutes les études traduisent en chiffres inquiétants, la dimension symbolique des tragédies de juillet au moment de la trêve estivale ont provoqué ce décalage. À la focalisation sur l’ennemi principal que l’on présentait, c’est-à-dire Daesh a succédé la prise de conscience que le djihadisme était aussi et surtout un problème interne à la France. Les assassins sont souvent de jeunes Français qui non seulement se sont placés en dehors de la communauté nationale, mais rêvent de la détruire. Et la majorité des français, surtout dans les couches populaires qui ont vu se transformer les quartiers sous l’influence insidieuse d’un islam salafiste séparatiste, considèrent désormais que le problème principal est celui-là. L’idéologie, parce qu’il faut marteler que c’en est une, véhiculée et enseignée par ce courant est considérée comme pouvant facilement conduire les plus disponibles à la barbarie. Mais aussi et surtout, son contenu véhiculant les idées selon lesquelles l’autorité publique supérieure n’est pas la République mais Allah, et que la charia est supérieure à la loi française, cette idéologie est l’instrument d’un combat politique visant à l’instauration d’un communautarisme séparatiste religieux. Et cette mise en cause de l’unité nationale angoisse et révulse les couches populaires.
Curieusement, la violence des réactions et l’hystérisation du débat, après la prise de l’arrêté par le maire de Cannes et la décision judiciaire rendue en référé ont été d’abord le fait des opposants à la mesure, appartenant à ce qu’on appelle la « gauche morale ». Mais l’accaparement par celle-ci des grands médias, a été perçue cette fois-ci comme une provocation. Qui a débouché par l’intermédiaire des réseaux et de la presse de province, sur une réaction d’ampleur inhabituelle. Panique à bord chez les belles âmes qui sont remontées à l’assaut, encore et encore. Parfois sans peur du ridicule avec les photos des maillots du début du XXe siècle, sans crainte d’une propagande mensongère comme avec l’affaire de Sisco, et toujours glapissant ad infinitum son mantra : « les Français sont racistes, les Français sont racistes, les Français sont racistes… »
Cette perte de sang-froid de la « bien-pensance » est le signe à mon sens, de sa prise de conscience de la catastrophe qui l’attend. La campagne présidentielle qui va commencer le 1er septembre et la probable sinon inéluctable victoire de la droite de gouvernement, va achever de pulvériser son magistère moral déjà bien endommagé.
Fort normalement, les tenants de la complaisance avec l’islam intégriste ont invoqué en la dévoyant la « laïcité » pour justifier les provocations calculées des salafistes. Et ensuite, le respect de la liberté et en particulier celle de s’habiller comme on veut. Cela fait sourire de la part de ceux qui sont restés totalement muets devant des atteintes aux libertés publiques particulièrement graves qui ont émaillées le quinquennat de François Hollande. Or, le débat de fond était avant tout politique, celui de savoir quelle attitude adopter face à l’offensive politico-religieuse de l’islam salafiste. À qui une majorité de Français, à tort ou à raison, fait répétons-le, deux reproches: d’abord d’être une idéologie servant de sas à ceux susceptibles de basculer vers le djihadisme, ensuite d’être un projet communautaire séparatiste antirépublicain. Ce qui fait que l’on est bien en présence d’une question d’ordre public.
En France, où la culture administrative est forte et la culture juridique faible, on rencontre dans tous les camps, un maximum de juristes amateurs, qui n’hésitent pas à expliquer péremptoirement aux spécialistes les questions auxquelles eux même ne comprennent rien. Et là ils se sont déchaînés.
L’organisation de l’événement « tous en burkini à l’aqualand ! » était susceptible de troubler l’ordre public par son côté provocation dans une situation extrêmement tendue du fait des massacres de juillet. Mais, contrairement à ce qu’ont ridiculement prétendu quelques élus indignes, ce n’était pas un événement privé, mais bien une manifestation publique et commerciale. Soumise de ce fait aux règles du droit pénal prohibant la discrimination. On trouvera ici exprimé avec concision le problème juridique posé. Et on y verra que l’objectif des organisateurs était bien d’instaurer entre les citoyens une discrimination religieuse et communautaire interdite.
Concernant l’arrêté du maire de Cannes, la question était différente. Constatant probablement comme je l’ai fait que pour l’instant, malgré l’horreur des massacres et en particulier celui perpétré à quelques kilomètres de là, les gens, s’ils étaient tendus, parvenaient jusqu’alors à garder leur calme. Mais que cette maîtrise était fragile et qu’il était inutile de mettre de l’huile sur le feu. Les incidents de Sisco ont montré que ces inquiétudes n’étaient peut-être pas infondées. Il a donc dans le cadre de l’exercice de ses pouvoirs de police, en tenant compte d’une situation particulière et exceptionnelle liée aux attentats et à l’état d’urgence, pris un arrêté limité, d’interdiction du costume de bain intégriste. Limité aux plages de sa commune et limité au seul mois d’août 2016. Ce fut immédiatement un énorme tintamarre. Était-il opportun politiquement de prendre cette décision spectaculaire à ce moment-là ? Là était le vrai débat, mais il ne fallait surtout pas qu’il ait lieu, arrêté illégal affirmaient les belles âmes qui adorent user de l’argument d’autorité juridique, persuadées que le droit que souvent elles ignorent, se plie à leur vision du monde. Premièrement l’arrêté avait été pris par un maire Les Républicains, et ça, c’est bien évidemment directement illégal. Deuxièmement, c’était une décision raciste qui allait provoquer la guerre civile, deuxième motif d’illégalité.
Les associations groupusculaires habituelles ont fait leur boulot et formé un recours devant le Tribunal Administratif de Nice contre l’arrêté.
Quelle était la position du problème ? Les collectivités locales, en application de l’article 72 de la constitution s’administrent librement, dans le respect de la loi. On peut demander à posteriori au juge d’apprécier si la loi a été respectée. En saisissant le tribunal administratif pour lui demander de le vérifier et sinon de prononcer l’annulation de la décision. Le problème est que les institutions publiques bénéficient d’un privilège, celui de l’exécution d’office, ce qui veut dire que les décisions de l’administration sont immédiatement exécutoires même s’il y a un recours, celui-ci n’étant pas suspensif. En cas d’urgence il faut donc saisir en même temps que le recours au fond, le juge des référés, qui doit statuer rapidement et peut prononcer, non pas l’annulation, mais la suspension de ce caractère exécutoire. Si deux conditions sont réunies : l’urgence, et un moyen sérieux au fond. Le juge de Nice a considéré qu’aucune des deux conditions n’était remplie. L’arrêté est donc resté exécutoire. Il appartiendra par la suite au tribunal administratif d’examiner l’affaire au fond.
Ce fut bien sûr un nouveau tollé, et comme pour le refus de libération conditionnelle de Jacqueline Sauvage le magistrat concerné en a pris plein la tête. Chacun sait que dans notre pays on respecte la Justice mais uniquement quand elle vous donne raison.
Le mieux, avant de l’insulter, aurait peut-être été de se reporter à ce qu’il a écrit. Sachant que les débats doctrinaux sont tout à fait passionnants, mais que le seul avis qui compte, pour être opératoire, c’est celui du juge…
: « Dans le contexte de l’état d’urgence et des récents attentats islamistes survenus notamment à Nice (…) la forme de tenues de plage affichant leur religion (…) sont de nature à créer ou exacerber des tensions (…) et un risque de trouble à l’ordre public (…) Le port d’une tenue vestimentaire distinctive (…) peut en effet être interprétée comme n’étant pas (…) qu’un simple signe de religiosité. (…) La mesure de police limitée au mois d’août prise par le maire de Cannes (…) n’est pas disproportionnée par rapport au but poursuivi.»
Pour prendre cette décision le magistrat s’est appuyé un arrêt du Conseil Constitutionnel de novembre 2004 qui disposait : « que le droit garanti (à sa conviction religieuse en public) a le même sens et la même portée que celui garanti par l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; qu’il se trouve sujet aux mêmes restrictions, tenant notamment à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé et de la morale publics, ainsi qu’à la protection des droits et libertés d’autrui ».
Le conseil d’Etat quant à lui avait précisé dans un arrêt du 25 novembre 2014 les choses suivantes : « L’organisation des relations entre l’État et les Églises en France repose sur un principe simple et clair : la religion relève de la sphère privée, l’État affirmant son indépendance et sa neutralité à l’égard des institutions religieuses. Toutefois, la liberté religieuse ne se borne pas à la liberté de croire ou de ne pas croire. Elle implique une certaine extériorisation qu’il s’agisse de l’exercice du culte ou tout simplement de l’expression – individuelle ou collective – d’une croyance religieuse. Il convient dès lors de garantir la conciliation entre l’intérêt général et l’ordre public, d’une part, la liberté de religion et son expression, d’autre part ». Pour le juge de Nice, l’arrêté du maire a bien garanti la conciliation entre l’ordre public et la liberté religieuse.
Il y a eu d’autres arrêtés depuis, dont il n’est pas sûr qu’ils soient tous exempts d’arrière-pensées démagogiques. Par exemple, ceux concernant les plages de la mer du Nord où la combinaison intégrale est pourtant indispensable à qui ne veut pas devenir tout bleu en claquant des dents. Ils feront également l’objet de recours et il n’est pas impossible alors que le conseil d’État se saisisse du problème afin d’émettre un avis pour éviter les décisions contradictoires. Mais on voit mal que celui-ci puisse contredire sa jurisprudence de novembre 2014.
Finalement, le droit c’est bien pratique, cela permet de poser les termes du débat. Et en l’occurrence d’éviter les arguties juridiques pour aborder de face la vraie question politique : quelle doit être l’attitude des autorités publiques françaises face à l’entreprise salafiste et intégriste ?
j’dirais que tous les sujets relatifs a l’Islam et « ses corollaires » sur ce blog sont tendancieux (sement) islamophobe
Le salafisme n’est-il pas une idéologie totalitaire impérialiste? Si c’est bien le cas, n’y a t-il aucune possibilité pour le rendre illégal?
Il est où le regard juridique dans cet article ?