La cérémonie des Césars, est une manifestation où les gens du cinéma enfilent robes longues et smokings pour se congratuler, s’attribuer des récompenses, et s’attendrir sur eux-mêmes devant les caméras de télévision. Nullement antipathique, ce petit événement devenu rituel offre un samedi soir de distraction à ceux qui s’intéressent au cinéma français.
Dans une période marquée, sur un certain nombre de sujets par une très forte tension, l’organisation a trouvé intelligent, bêtise où inconscience, d’inviter Roman Polanski à en être le président d’honneur. Qui a eu l’idée saugrenue de rallumer un incendie qui avait embrasé l’opinion publique il y a quelques années, alors que toutes les conditions étaient réunies pour que cette étincelle mette de nouveau le feu à la prairie? Les questions de la protection de l’enfance sont devenues depuis une vingtaine d’années extrêmement sensibles et c’est tant mieux, mais les médias de la société du spectacle ont fait de la dictature de l’émotion un fonds de commerce qui rend désormais impossible de les aborder sereinement et rationnellement. Chaque groupe de pressions excite l’opinion, s’emparant d’histoires qui ne le concernent pas pour faire tourner son petit moulin.
Roman Polanski a finalement renoncé à cette présidence, et il a bien fait. Cris de triomphe immédiat des groupuscules féministes victimaires et androphobes alors même que le traitement de cette affaire durant toutes ces années présente toutes les caractéristiques d’un mauvais combat parce qu’il est dirigé contre lui. Roman Polanski comme symbole société patriarcale qu’il faut combattre, est aussi faux que Jacqueline Sauvage comme emblème des violences faites aux femmes.
Il lui est reproché d’avoir eu en 1977, des relations sexuelles non consenties avec une mineure de 13 ans. Infraction qui même à l’époque dans un tout autre contexte, était suffisamment grave pour qu’il soit poursuivi par la justice américaine. Fut alors mis au point entre ses avocats et le procureur un système récemment adopté en France pour les petites infractions, le « plaider coupable ». Il s’agit d’une négociation qui porte sur le principe de la culpabilité, mais aussi sur le quantum de la peine. Roman Polanski reconnu les faits et accepta par conséquent de plaider coupable, mais la procédure fut remise en cause postérieurement pour ce qui concernait le quantum de la peine. Sans revenir en détail sur la façon dont tout cela s’est passé, il faut rappeler que le procureur fut sanctionné et licencié pour cette déloyauté. Dans un climat de lynchage médiatique dont la xénophobie antisémite n’était pas absente, Roman Polanski constatant que les conditions d’un procès équitable n’étaient plus réunies préféra quitter les États-Unis. Qui peut le lui reprocher ? Sa faute est d’avoir eu ces relations sexuelles interdites, pas d’avoir voulu sauver sa liberté face à une machine qui voulait le broyer.
Près de 35 ans plus tard, un autre procureur manifestement soucieux de son quart d’heure de gloire médiatique Wharolien décida de rouvrir un dossier fermé et éteint depuis longtemps. Contre l’avis de la victime, qui outre qu’elle a tourné la page avec dignité, sait bien qu’elle sera à chaque fois elle aussi déchiquetée par la voracité médiatique. Dans ces conditions cette réouverture était de la part de ce procureur une mauvaise action. Qui trouva un écho d’abord chez des féministes en mal de bouc émissaire, et en face malheureusement, celui de défenseurs mal inspirés du cinéaste qui firent jouer à ce moment-là le réflexe de caste. D’une part, Roman Polanski était considéré stupidement comme criminel contre l’humanité ayant commis une faute imprescriptible, de l’autre comme un grand cinéaste ayant commis une peccadille. Une catastrophe. Alors que les choses sont simples, la prescription n’existe pas aux États-Unis et c’est un tort. Vouloir faire du viol, un crime imprescriptible, ce n’est pas vouloir la justice, mais comme le montrent les invectives à l’égard de Polanski, souhaiter la vengeance. La délinquance sexuelle présente cette caractéristique d’être difficilement appréhendable par la justice pénale si celle-ci veut respecter ses principes. Respect des principes qui doit lui permettre d’établir une vérité judiciaire légitime. C’est la raison pour laquelle la prescription existe, car plus le temps passe plus il est difficile d’établir loyalement une vérité permettant une sanction par l’exercice de la violence légitime sur les corps. L’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité n’a qu’une utilité symbolique et on l’a bien vu avec les quelques procès de vieillards qui ont rapidement tourné à l’établissement d’une vérité historique qui n’a pas grand-chose à voir avec une vérité judiciaire.
Réclamer aujourd’hui un procès pour cette affaire ancienne n’a aucun sens et en tout cas aucun rapport avec la volonté de voir la justice passer. La nouvelle clameur qui vient d’accompagner l’annonce de la nomination du cinéaste a parfaitement démontré qu’au prétexte de défendre la cause des femmes, c’était la tête d’un vieillard de 83 ans qu’on réclamait.
En revanche ce qui est assez stupéfiant c’est qu’il ne se soit pas trouvé dans l’organisation de la cérémonie quelqu’un pour prévoir ce qui allait se passer. Et c’est cela qui est le plus grave. Et qui renvoie à des mécanismes protection de caste profondément déplaisants. Évidemment il faut aujourd’hui laisser tranquille Roman Polanski, mais c’est une provocation de l’avoir choisi sans tenir compte du contexte d’aujourd’hui et du regard que nous pouvons porter sur les années 70 et 80.
Ah mai 68, « le 14 juillet des couches moyennes » comme disait Michel Clouscard qui vit l’avènement de la génération dorée, celle des baby-boomers, qui pour avoir voulu profiter de tout ont finalement tout raté. Et qui ne supportent pas qu’on leur demande aujourd’hui des comptes. Pour en faire partie, je sais bien ce que furent pour nous ces années enchantées. Nous y avons trouvé liberté, création, gaieté, insolence et transgression.
Mais je sais aussi que ce furent aussi des années de licence. Dont il n’y a pas lieu d’être très fier. Revoyons les visages de cette centaine de « destins brisés du rock » morts dans leur vomi à force d’alcool, de drogue et d’excès. Tous les autres ne sont que des survivants. Et il n’y a rien de drôle à entendre Elton John dire : « quand je passe en avion au-dessus de montagnes enneigées je pense aux montagnes de coke que j’ai sniffées ». L’affaire Polanski, n’est qu’un des reflets des dévoiements d’une libération sexuelle ou certains et non des moindres ce sont crus tout permis. Nulle pruderie, ni puritanisme là-dedans simplement les souvenirs d’une époque où il est arrivé qu’on dise et qu’on fasse n’importe quoi, n’est-ce pas Daniel Cohn-Bendit ? Alors évidemment le balancier est parti fort dans l’autre sens, trop fort sûrement. Mais quand même il faut comprendre que n’est pas très supportable de se faire donner dans tous les domaines des leçons par ceux qui se sont vautrés dans le libéralisme libertaire, et de les voir s’accrocher frénétiquement à leurs privilèges. Il n’est pas supportable d’entendre Frédéric Mitterrand cracher sur le cercueil de Fidel Castro et insulter Ségolène Royal en donnant des leçons de morale, quand on a lu les pages absolument ignobles qu’il a écrit sur sa consommation, bien haut revendiquée, du tourisme sexuel en Asie. Et tous les autres imposteurs, Cohn-Bendit en tête, les BHL, les Kouchner, les Attali, les Minc, les Jack Lang (!) qui ont dit tout et n’importe quoi, défendu tout et n’importe quoi et qui rejoignent maintenant Macron en gros bataillons, nouvelle roue de secours d’un système dont ils veulent continuer à percevoir les prébendes. Et puis il y a aussi, ceux qui ont pris le virage, et vilipendent l’esprit de mai 68 et son avatar récent le gauchisme culturel, mais en faisant le tri. La destruction de l’école, ce n’est pas bien, les excès de nos amis, ce n’est pas grave.
Eh bien si, c’était grave, et il ne faut pas pleurnicher parce que les couches populaires et la jeunesse renâclent, ne nous supportent plus, et meurent d’envie de nous virer. Et peut-être qu’il faudra en plus que nous rendions des comptes.
Dommage … l’article est trop touffu. Je ne suis pas le petit poucet, je n’ai pas semé de petits caillou et Je me suis perdu dans la forêt…
Enfin un point de vue sensé et raisonnable sur cette « affaire » où l’hystérie, la mauvaise foi, la complaisance et la violence ne laissent guère de place à la justice ni à la justesse.
Merci.
Cincinnatus
Excellente analyse que je partage à …98% car je trouve la conclusion bien pessimiste! A mon avis, personne ne nous demandera des comptes, et à dire vrai, les vieilles carnes ne sont pas près d’être virées : en tout cas, pas des plateaux télés. Hélas!… Question subsidiaire : pourquoi personne, dans l’entourage de Polanski, ne lui a-t-il déconseillé d’accepter cette Présidence? Il aurait succédé à Lelouch, Djamel Debbouze, François Cluzet ou Guillaume Canet, pour citer les plus récents – Gabin, Pierrd Tchernia ou Morgan, chez les plus anciens. Autrement dit, la crème de la beaufitude, des artistes qui n’ont pas sa stature. A chercher les médailles en chocolat, à se vautrer dans la vulgarité, on ne récolte que ce genre de choses : des querelles lamentables, de vieilles rancoeurs aigries, des jalousies, des accusations infâmantes. Restez à votre place, Mr Polanski, celle d’un grand artiste compromis dans une sale affaire – et oubliez les paillettes du shobiz. Elles ne sont plus de saison, et vous avilissent. »Le titre dégrade, la fonction abêtit, les honneurs déshonorent ». Flaubert (Correspondance).
Une excellente vision de la génération dorée et qui illustre le conflit de génération qui s’annonce.
Article lamentable.
Polanski doit assumer ses actes. Il ne peut pas avoir une telle reconnaissance sociale après avoir fait ce qu’il a fait. Mais personne ne demande son incarcération. Vous mélangez vraiment tot.
Excellente conclusion qui fait oublier un début lamentable (le mauvais mélodrame d’ une xénophobie antisémite, tapie dans l’ ombre et prête à frapper aux premiers relâchements de notre vigilance ; l’ étrange pouvoir qu’ a l’ auteur de lire dans l’ esprit de la victime ; les conseils juridiques ridicules ( « Instaurez la prescription ! ») donnés à un pays peu porté à demander aux autres ce qu’ il doit faire). Polanski a-t-il entendu parler de la » solution David Hamilton » qui lui permettrait de (re ?)trouver sa dignité ?
Avoir des rapports non consentis ca s appelle un viol. Polanski est une ordure lache et meprisable . Aucun contexte, meme pas historique, ne peut excuser une telle lachete ! Droger , violer une ado (elle aussi est responsable de sa betise) est d une laideur qui ne peut etre couvert par quoi que se soit de beau . Ce n est pas parce qu il est pour certains et pas pour tous un bon regisseur qu il faut lui pardonner ses actes. Heureusement alors qu Hitler ne fut pas un admirable poete …Parler aussi d antisemitisme est aussi mal place car ce n est pas de notre fautes que certains pedophiles connus soient juifs (Bendit, Thierry levy…). Leur origine c est leur probleme , pas le notre///