J’ai entendu il y a quelques années dans un spectacle une réplique de Madeleine Proust, qui m’avait frappé par sa pertinence. Le personnage créé par Laurence Sémonin artiste franc-comtoise nous disait : « Il vaut mieux mourir le soir que le matin, parce qu’on en apprend tous les jours ». J’y ai repensé en écoutant l’émission de Patrick Cohen sur France Inter à 8h30. J’avais bien fait de ne pas mourir ce matin.
Sur le thème « la présidentielle et les affaires » Patrick Cohen recevaient deux cadors de la profession de journaliste–enquêteur–chroniqueur juridique et judiciaire etc. Laurent Valdiguié rédacteur en chef au JDD, et Matthieu Aron directeur adjoint de la rédaction de l’Obs. Du beau linge, ayant longtemps officié sur le terrain des affaires judiciaires.
Ayant commencé mes études de droit il y a 49 ans, et les ayant poursuivies tout au long de ma carrière, d’avocat et d’enseignant, je pensais être au point. Eh bien pas du tout, j’ai constaté que tout était à refaire en écoutant Matthieu Aron :
« Je vais dire une chose qui va choquer. On parle beaucoup de présomption d’innocence et c’est bien entendu quelque chose qu’on va tous respecter. [Mais] il faut quand même arrêter un instant. Quand un juge d’instruction met en, examen une personne, ça s’appelle une présomption de culpabilité, ça signifie qu’un juge à un moment donné….
– Patrick Cohen (lui coupe la parole pour poser une question) : « vous voulez dire pour l’opinion ? »
– Matthieu Aron riposte : « non, non, pas pour l’opinion, pour le droit ! »
Et bien dites donc, moi qui pensais que la présomption d’innocence prévue par tous les systèmes judiciaires des pays civilisés, inscrite dans toutes les Déclarations des Droits de l’Homme, de la française à l’Universelle en passant par la Convention Européenne, était un fait de civilisation et un principe intangible, j’avais tout faux. Je croyais naïvement que depuis le Droit Romain, la personne poursuivie était réputée innocente jusqu’à ce qu’une décision judiciaire définitive rendue par un juge impartial, prononce sa culpabilité. Que la preuve de celle-ci était à la seule charge de l’accusation, que le doute profitait à l’accusé. Je croyais que la MEE comme on l’appelle dans le jargon professionnel était destinée en fait à protéger la personne poursuivie en lui permettant d’intervenir avec ses avocats dans un débat contradictoire et loyal permettant d’élaborer une vérité judiciaire, appréciée au final par le juge du fond. Seul moyen de prendre une décision légitime revêtue de l’autorité de la chose jugée au nom du peuple français.
Eh bien je me trompais, en France, les nouveaux maîtres, c’est-à-dire les journalistes qui officient sur le service public vous expliquent que la mise en examen vaut déclaration de présomption de culpabilité. Que par conséquent, postérieurement à celle-ci, il appartient au présumé coupable d’apporter la preuve de son innocence. Et qu’il est donc inutile pour les juges d’instruction d’instruire à charge à décharge, ce que d’ailleurs ils ne faisaient déjà plus guère au Pôle Financier.
Comment un barbarisme juridique aussi infect peut-il être prononcé par un journaliste aguerri sur un média du service public à une heure de grande écoute, sans que Patrick Cohen ne réagisse, pas plus que Laurent Valdiguié. Ignorance crasse qui en dirait long sur leur niveau, ou volonté délibérée dans l’ivresse du lynchage médiatico-judiciaire de François Fillon, de continuer à raconter n’importe quoi ? D’ailleurs, Patrick Cohen, à qui il ne reste pas la moindre nanoparticule de conscience professionnelle revendique tranquillement le barbarisme totalitaire.
Malheureusement, les deux choses se combinent, le trio déplorable de ce matin, tout à sa propagande sans frein pour l’avènement de Macron, rejoint Edwy Plenel qui avait lui aussi inventé un nouveau concept juridique, celui « d’innocent–coupable » pour qualifier Éric Woerth innocenté par les juges du siège à Bordeaux.
Ces gens-là sont devenus fous.
effectivement ce nouveau concept est inventé par les pros du lynchage médiatique. Appartenant au camp duu bien, ils se font un devoir de nous apporter la vérité.
Quand à P cohen, inutile d’en parler il ne mérite que du mépris et de l’igorance pour rester là où il sera le mieux.
Qu’est-ce qui va les arrêter ?
Mon Cher Confrère,
A propos de « professeur de droit », trouvez vous normal que nos chères têtes blondes (ou brunes) usent leurs fonds de culotte sur les bancs, du collège, du lycée, et même de l’université, à l’exception de la fac de droit ( oeuf corse, comme dirait Béru) sans acquérir le commencement d’une notion de droit, alors que « nul n’est censé ignorer la loi »… ?
Ayant eu l’occasion d’intervenir dans un collège de la « Belle de Mai » à Marseille, j’ai pu constaté combien les jeunes en étaient pourtant demandeurs.
Je trouve dommage que la première personne qui leur parle de droit soit souvent le juge des enfants.
Lequel de nos candidats à la Présidentielle est prêt à engager la réforme ?
Pour ce qui est des journalistes, puisque le droit fait à présent l’essentiel de leur ordinaire, une petite formation accélérée ne leur ferait certainement pas de mal.
Et si vous preniez Patrick Cohen en stage ?
Je suis un citoyen « ordinaire » (c’est-à-dire n’ayant jamais reçu la moindre heure d’enseignement de droit durant tout mon cursus scientifique – Bac+5), et je ne peux que reconnaître une inculture crasse dans ce domaine.
Pour palier à cette inculture, auriez-vous un livre à recommander expliquant simplement et CLAIREMENT les basiques ? Recommanderiez-vous « le droit pour les nuls » par exemple ?
Merci
Erratum
Et les cours d’orthographe ?
Enfer et damnation : j’ai pu constater … qu’on ne se relisait jamais assez !
Bonjour. Je suis étonnée que vous incriminiez Patrick Cohen. Son rôle n’est pas de faire la leçon à ses invités. Aucun (surtout des journalistes en l’occurrence) ne reviendrait se faire interviewer si c’était pour se faire reprendre sur leur déclaration. Cohen laisse aux auteurs la responsabilité de leurs paroles, ce qui est bien normal. C’est de la déontologie : la neutralité Vs les paroles des invités.
Patrick Cohen, France Inter, France Télévisions et information beaux oxymores.
Et pourtant la mise en examen implique effectivement que quelqu’un présume coupable, en toute légalité. Quand on devient « présumé innocent » c’est une mauvaise nouvelle. Même « témoin assisté ».
« À peine de nullité, le juge d’instruction ne peut mettre en examen que les personnes à l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi. »
Bon, j’ai compris ce qu’était le projet éditorial de ce blog. Je vous laisse donc entre vous. Dommage car je partage évidemment la part de critique ferme à l’encontre du barbarisme « présomption de culpabilité », commis par M. Aron.
D’accord avec vous Mme Wassilieff. Savez -vous qu’ il existe une revue de » droit » pour les collégiens ? Je ne sais pas ce qu’ elle vaut . J’envisage d’y abonner la fille de 14 ans http://www.citoyen-junior.fr/scripts/ancien_numero.php .
Oups c’est le lien des anciens numéros. ….
Dieu sait que Patrick Cohen, ce n’est pas ma tasse de thé. Tout comme les exaltations bobos de des chroniqueurs de la matinale de France Inter.
Mais là, j’en reste baba!
Vous écrivez vous même, en reproduisant le doute formulé par la personne que vous jugez piètre professeur de droit, la réponse à la critique que vous formulez.
Le présentateur parle d’opinion, ce dont se contrefiche apparemment le chevalier blanc de l’Obs. Le n’importe quoi d’un invité, est-ce la faute de Cohen? Ne pas le couper et lui faire un cours, est-ce une honte pour le service public?
Si vous expliquez ensuite avec fermeté ce qu’est la présomption d’innocence. Cette notion est désormais en lambeaux. Pourquoi? Jusqu’où ira le pouvoir de nuisance de cette justice médiatique qui s’embarrasse si peu du droit? Comment enrayer ses effets pervers?
Le débat là.
Dommage qu’à force d’imaginer des complots que vous pourfendez avec constance, a force de vous enrager contre Macron, que vous dézinguez avec gourmandise et à force de défendre le si peu défendable Fillon, vous dérivez.
Avant de divaguer, donnez une chance au titre du blog et apportez nous un regard juridique sur l’actualité sans invective ni jugement à l’emporte pièce.
Cohen se contente de faire préciser à Aron. Et reprend l’énormité à son compte dans le titre du podcast.
Votre passion macronienne vous emporte si loin que vous ne verriez pas d’eau dans la mer.
Émettre des réserves sur la défense d’un candidat mis en examen, donc présumé innocent, est-ce faire preuve de passion pour un autre candidat?
Vous lisez les commentaires avec des lunettes à regarder dans les angles morts…
« Émettre des réserves »? Très amusant. Inventer des règles de droit.
Le JDD a pris parti pour Macron, l’Obs de Bergé, n’en parlons pas. Et le service public scandaleusement aussi.
Approuver à grand bruit le lynchage médiatico-politico-judiciaite de Fillon, et n’avoir pas un mot pour l’incroyable mansuétude à l’égard de Macron, oui, c’est prendre parti.
Quand j’exerçais la modeste fonction de professeur d’histoire-géographie-éducation civique en classe de seconde, j’ai profité d’un interstice dans les programmes de cette dernière matière pour enseigner modestement quelques notions rudimentaires de droit (les PGD, définitions des droits civil, pénal et administratif, les juridictions, la différence entre juridique et judiciaire, etc…) avec quelques TP agrémentés d’études de cas rigolotes, le tout conseillé par ma juriste de fille et mon expérience associative qui m’a valu de fréquenter diverses juridictions. je peux témoigner que les élèves étaient attentifs, voire passionnés et en tout cas intéressés, préférant cela aux sempiternelles leçons de morale à deux balles et aux délires culcul-la-praline sur le développement durable et « l’écocitoyenneté » (sic !) qui font l’essentiel des programmes. On pourrait à profit réduire les heures d’EPS et de « sciences » économiques et sociales dans l’enseignement secondaire général au bénéfice du droit. mais on n’en prend pas le chemin quand on voit la destruction méthodique de ma chère géographie par les pédagogistes fous.
Si, certes, votre diatribe contre P. Cohen est très justifiée, que dites-vous alors de l’ex-haut magistrat Philippe BILGER qui titrait dans son blog , à propos de la présomption d’innocence, titrait un de ses articles écrivait dans son blog « Justice au singulier » le 30 mai 2011 , je cite : « Marre de la présomption d’innocence ! » ou bien, toujours dans le même blog, concernant les affaires Sarkozy, écrivait le 23/06/2013 : « Oubliée la Justice au quotidien qui traite enfin librement toutes les troubles affaires surgies du fond de son quinquennat. Pourtant, avant qu’un jour on le juge si cela survient, il n’est personne qui doute de la plausibilité de ces accusations. Il y a la présomption d’innocence certes mais sa personne, sa psychologie, son rapport à la République, son goût du lucre, son prurit de domination, son indifférence aux principes, tout nourrit ce qui lui est imputé. Etrange, d’ailleurs, comme la droite de Nicolas Sarkozy et de sa clientèle proche, en cette dernière année à la fois effrayée et nostalgique, a découvert les valeurs : elles ne sont recommandables que pour sa sauvegarde. L’innocence est invoquée à tout coup. Un tic même quand d’année en année elle s’est dégonflée. » et récidivait le 03 juillet 2014 : « Cet ancien président se vantant d’être honorable voit son honneur trop systématiquement et durablement contesté pour pouvoir encore se réfugier derrière cette belle façade. »
Alors, vraiment, « Marre de la présomption d’innocence ? Ce tic ? Cette façade ? Il n’a pas que certains journalistes qui ont perdu leur honneur mais aussi certains hauts magistrats.
BILGER a toujours appartenu au parquet. À ma connaissance jamais juge du siège. Il est dans son rôle d’accusateur. Je l’ai connu meilleur. La haine est mauvaise conseillère.