Michel Rosenzweig est un philosophe et psychanalyste belge inquiet pour son pays. Il nous dit sur quoi se fonde cette inquiétude après les élections fédérales et régionales qui se sont tenues en Belgique en même temps que les européennes.
Régis de Castelnau
Les élections européennes du 26 mai 2019 et leurs enjeux ont eu pour effet d’occulter totalement les résultats spectaculaires des élections fédérales et régionales belges qui se sont tenues le même jour.
Or ce scrutin belge a accouché, après une campagne électorale vaporeuse, inintéressante, soporifique, insipide et ennuyeuse, d’une hydre bicéphale : la victoire de deux formations flamandes dont l’objectif avoué est l’indépendance de la Flandre et l’éclatement de l’état belge : la N-VA ( Nieuw Vlaamse Alliantie, nouvelle alliance flamande) et le Vlaams Belang (Intérêt flamand). Cette véritable chimère mine peut-être de manière définitive la pérennité de la Belgique en tant qu’état fédéral, la menant directement au confédéralisme qui n’est que l’antichambre, à moyen terme, de la séparation et de la scission et donc de sa disparition au sein de l’Europe.
Ces deux partis ont beaucoup de points communs dans leur programme et leurs scores respectifs répondent aux demandes de nombreuses personnes en Flandre, qui, à l’instar des autres pays européens, sont fatiguées, déçues, dégoûtées, voire plus encore par plusieurs décennies de gouvernances traditionnelles responsables et coupables de nombreux maux délétères : clientélisme, communautarisme, lâcheté, accommodements raisonnables, négligence, incompétence, paupérisation, cécité et déni volontaires face à l’entrisme de l’islam politique dont l’aboutissement dramatique des attentats de Paris en est la tragique démonstration. Ces formations sont donc fondamentalement d’essence souverainiste, nationalistes, populistes comme le sont le RN en France ou la Ligue en Italie. Leur naissance et leur essor n’étant que le résultat d’une équation simplissime et naturelle : la reconquête des peuples qui se sentent dépossédés de leurs territoires et se sentent envahis par une culture exogène qui refuse de plus en plus souvent de s’intégrer dans leur espace d’accueil en menaçant gravement la vie quotidienne.
Avec la foudroyante progression du Vlaams Belang c’est un véritable tsunami sociopolitique qui s’est déchaîné le 26 mai dans la mesure où ce parti a fait un bond de 4% à 12% au niveau fédéral (national) et de 6% à 18,5% au niveau régional flamand, et ceci en l’espace de quatre ans, à peine.
Derrière la N-VA qui perd 4% (16,03%), Le Vlaams Belang au niveau national (fédéral) devance à présent en pourcentage (11,95%), les trois partis traditionnels qui ont gouverné la Belgique pendant plus de 50 ans : les socialistes francophones (9,46%) et néerlandophones (6,71%), les réformateurs libéraux francophones (7,56%) et les néerlandophones (8,54%) les socio chrétiens démocrates francophones (8,89%) et néerlandophone (8,89).
Le scrutin belge étant soumis à un régime à la proportionnelle très complexe, cela donne en nombre de sièges au parlement fédéral, 25 sièges pour la N-VA, 18 pour le Vlaams Belang, soit 43 sièges ensemble sur 150. Le reste de l’hémicycle est dominé par les socialistes (20 sièges), les libéraux (14), les verts (13) et la poussée aussi spectaculaire du PTB (Parti du Travail de Belgique marxiste-léniniste très islamophile), seul parti unitaire non linguistiquement divisé que l’on pensait mort depuis la fin du siècle dernier et qui ressuscite en sortant du tombeau avec 8,6%. Le Vlaams Belang et le PTB sont donc les deux réponses populaires épidermiques les plus radicales fournies par des centaines de milliers d’individus se sentant trompés, abandonnés et trahis par leurs élites traditionnelles pour lesquelles elles ont continué de voter docilement conformément à l’obligation de vote en Belgique
Face à cette situation inédite, le Roi Philippe Ier n’a pu refuser de recevoir le président du Vlaams Belang, le jeune Tom Van Grieken, 32 ans, une grande première dans ce royaume qui a mis en place depuis longtemps un cordon sanitaire autour de toutes les formations jugées infréquentables et anti-démocratiques pour cause de xénophobie et de sympathie non dissimulée envers le nazisme. A titre de comparaison historique, il faut savoir que la dernière fois que le Palais Royal a reçu un représentant de l’extrême droite pro nazie et réellement fasciste, c’était en 1936: Léopold III recevait Léon Degrelle dont le parti Rex avait obtenu 11,5% des voix lors des législatives. Les cadors des grands partis traditionnels s’offusquent, mais la constitution a ses lois et la loi est la loi, « dura lex sed lex. »
Le grand vainqueur de ces élections belges, c’est donc bien le Vlaams Belang, un parti bien plus à l’extrême droite que celui de Marine Le Pen puisqu’il charrie en son sein des opinions franchement racistes, une certaine nostalgie collaborationniste et une admiration pour le troisième Reich, une quinzaine de candidats de ce parti sont mêmes soupçonnés de sympathies nazies, selon une enquête de Het Laatste Nieuws relayée également par De Morgen. Selon ces deux journaux, il ne s’agit pas de déclarations de soutien à des groupes d’extrême droite comme Schild & Vrienden, mais de « likes » pour Adolf Hitler. Des images prises par un photographe du Morgen montrent par exemple des membres de Forza Ninove (Vlaams Belang) fêter leur écrasante victoire par un salut nazi. Enfin, les membres dirigeants de la N-VA, embarrassés face à cet allié politique et stratégique potentiellement incontournable mais politiquement pas très correct, sont tous étrangement contaminés par ce double mot béquille « oui mais » lorsque la presse leur demande s’ils envisagent de gouverner ensemble avec des personnes ouvertement racistes, « oui il y a des personnes qui sont racistes au Vlaams Belang, mais… ». Cela nous rappelle un autre « oui mais » prononcé par JL Mélanchon et ses camarades interrogés lors des derniers attentats islamistes.
La solidarité des indépendantistes/séparatistes semble donc ici l’emporter sur la morale et l’éthique politiques, du bout de la langue, en français du moins…
Dans ces conditions sulfureuses, la formation d’un gouvernement fédéral majoritaire s’avère déjà improbable sinon impossible, personne ne voulant jusqu’à présent gouverner avec le Vlaams Belang.
Et ignorer ses électeurs qui représentent quand-même environ 700.000 personnes, soit un flamand sur 5 en âge de voter, représente une quantité impossible à négliger.
L’état belge redevient par conséquent à nouveau ingouvernable comme en 2010-2011 au niveau national/fédéral et de nouvelles élections sont déjà envisagées dans six mois, ce qui n’empêche évidemment pas les entités régionales autonomes de fonctionner (région flamande avec une majorité N-VA VB, région wallonne avec une majorité PS et MR (réformateur libéraux) et enfin la Région de Bruxelles capitale avec une majorité rouge verte).
Plus que jamais il y a bien deux pays et deux démocraties qui coexistent encore pour le moment mais avec des mentalités et des cultures politiques de plus en plus opposées, voire incompatibles et inconciliables comme le montre graphiquement les deux camemberts des résultats.
Cette coexistence belge se fragilise de plus en plus au fil des élections et des interminables réformes de l’état au sein d’une structure constitutionnelle réduite à quelques compétences « régaliennes » importantes (Défense, justice, police, santé, immigration, politique étrangère).
Or, cette situation belge ne semble intéresser personne en Europe et en particulier en France où le débat politique a été naturellement et logiquement focalisé sur le duel Macron/MLP. Circonstance aggravante : les débats belgo-belges eux-mêmes sur cette question sont assez pauvres voire médiocres, témoignant d’une grande lassitude de la population face à l’évaporation de la Belgique annoncée il y a déjà plus de 15 ans par le président de la N-VA Bart de Wever qui proclamait paisiblement au micro : « un jour on se réveillera et la Belgique sera évaporée ».
Et pourtant, il faut rappeler que c’est à Bruxelles que se situe le siège de la Commission de l’UE et que de nombreuses sessions du parlement européen se tiennent dans la capitale belge, ainsi que les sommets des chefs d’états européens.
L’indifférence des médias de l’hexagone à l’égard de ce tremblement de terre socio-politique est particulièrement frappante, alors qu’en réalité, le score du Vlaams Belang et ses conséquences sont de nature beaucoup plus grave que ce qu’il s’est produit avec la petite victoire du RN qui n’est somme toute qu’un simulacre de victoire dans la mesure où son score n’est pas tellement plus élevé que lors des dernières élections européennes.
Symboliquement et sociologiquement la montée spectaculaire du Vlaams Belang constitue un danger bien plus réel que la poussée des partis populistes européens souvent décrits abusivement comme la nouvelle peste brune et faussement présentés comme les héritiers des formations fascistes des célèbres et désormais légendaires « heures les plus sombres de notre histoire.
Ce danger ne se présente bien évidemment pas comme les milices nazies des années 30 patrouillant dans les rues et défilant en chemise brunes et bottes d’équitation, les nouveaux adeptes du fascisme à l’ancienne avides d’un pouvoir fort et xénophobes s’étant transformés en bons pères de famille et en hommes d’affaire ou en cadres supérieurs fréquentables, la plupart ayant compris qu’il leur fallait se délester des oripeaux et des emblèmes fascistes et nazis, de l’accoutrement aux éléments de langage, ici comme ailleurs.
Il n’en reste pas moins que ce danger, qu’il faudrait plutôt considérer comme un péril, concerne à la fois l’état Belge, miné et menacé cette fois plus que jamais d’implosion, mais aussi par contagion l’Europe, qui ferait bien de se pencher sur son laboratoire belgo-bruxellois afin d’ouvrir les yeux, la Belgique étant un des six premiers états fondateurs du marché commun. Il est par conséquent grand temps de prendre enfin toute la mesure de cet événement local dont l’importance semble pour le moment échapper aux observateurs avisés.
La Belgique n’est ni l’Espagne, ni le Royaume Uni, ni l’Italie.
Amis français, c’est arrivé près de chez vous, à 1h15 de Paris en Thalys et ce n’est pas du cinéma.
Michel Rosenzweig
Philosophe, psychanalyste.
mouais… ; la fin de la Belgique, ce n’est pas non plus la fin du monde.
Idéologiquement, le VB est plus raciste que la NV-A mais bcp moins libéral.
et comme il est dit, des fascistes à la mode hitlérienne, mussolinienne ou franquiste, il n’y en a plus. ce sont essentiellement des gens de droite +/- réac’ qui aiment les africains en Afrique.
la mondialisation – càd le capitalisme financier apatride et impérialiste – produit lentement ses effets (déchristianisation, mort des états-nations, disparition du droit social…), à qui la faute ? aux communistes ?
Geof’, neo-communiste belge
La fin éventuelle de la Belgique avec l’indépendance de la Flandre n’est certainement pas la fin du monde, que du contraire selon moi, ce n’est pas du tout ce que j’ai écrit. Il n’en reste pas moins que nous sommes arrivés au bout d’un processus de décentralisation des pouvoirs et des compétences; La disparition de la Belgique si elle a lieu aura plus de répercussion en Europe qu’en Belgique par effet de contagion car les régions sont déjà suffisamment autonomes et préparées. C’est surtout la victoire du VB qui est inquiétante sociologiquement.
La carte est fausse. On se demande où elle sort et ce qu’elle représente.
Il n’y a aucune majorité NVA VB en préparation et pour cause elle n’aurait pas la majorité.
Le score du VB ne sort pas de nulle part, il récupère ses résultats de l’antépénultième élection. Donc, ne vous rassurez pas si vite en jugeant que c’est pire en Belgique. Finalement, ce n’est pas si différent du résultat du FN. C’est juste que chez vous le scrutin le cache excepté aux européennes ou la proportionnelle est de mise.
Et l’état fédéral belge gère encore de très grosses compétences dont justement tout ce qui concerne la sécurité sociale. En termes de moyens financiers, ce n’est pas rien.
Tout à fait d’accord avec les deux premiers commentaires. Après quelques semaines ou quelques mois d’attente, on va tout simplement avoir un gouvernement fédéral associant les partis qui, jusqu’à présent, avaient dit exlure toute collaboration gouvernementale, à savoir d’un côté la NVA et de l’autre le Parti socialiste. L’opposition fera sa petite scandalisée, la politique fédérale ne sera pas plus imbuvable que les précédentes, et ça continuera cahin-caha. Et si vraiment il faut discuter de la fin de la Belgique, en quoi est-ce réellement un scandale. La partie francophone, appelée « Fédération Wallonie-Bruxelles » soit deviendra un Etat indépendant, soit se rattachera d’une façon ou d’une autre à la France (moins probable, hélas). De toute façon, il est déjà prévu que les « transferts financiers », c’est-à-dire la solidarité budgétaire du Nord vers le Sud, prenne fin en 2025. Donc calmos, et oui, la scission de la Belgique, tout le monde s’en fout, et certains s’en réjouissent même, y compris du côté francophone.
Récupérer une Belgique francophone, certes, mais socialiste et pourrie jusqu’à la moelle ? Vous ne croyez pas qu’on a assez d’emmerdements comme ça ?
Amis belges, gardez vos pelures. On s’occupera peut-être alors des nôtres. Et on en a…
Vous inquiétez pas, les belges ne sont pas intéressés par la France, si ce n’est peut-être les flamands les plus extrémistes qui voudraient bien récupérer la partie du Nord de la France qui était flamande avant.
ce n’est pas le résultat qui est pire, c’est la nature du VB par rapport au RN. Quant à la carte je n’en suis ni l’auteur ni le responsable de publication.
Le FN et VB, c’est exactement la même chose, l’aspect régionaliste en moins. Ils surfent sur la même vague anti système, populiste, vont chercher leurs voix chez les ouvriers, admirent Poutine, font semblant d’être respectables et se font des mamours. Le racisme est toujours là dans les deux cas, personne n’est dupe.
Non je ne pense pas que le FN et le VB se valent, le VB n’est pas purgé comme l’est en grande partie le RN, le VB a un ADN nazi collabo plus ou moins affiché à certains endroits, plus le RN me semble t-il. Le VB est germanophile, pas le RN. Ce sont deux nationalismes affirmés de nature différentes pour moi en tout cas.
Votre article est intéressant. Il décrit de façon correcte ce qui c’est passé. Par contre, c’est bien à cause de l’UE que cela se produit. L’immigration massive qui préoccupe en Flandre est une des causes directes. Le fait que la partie francophone, dont les industries ont été laminés originellement par la CECA, ne voit pas son sort s’améliorer en est une autre ( du à la perte de souveraineté économique totale).. Le VB puise son inspiration du FN, Filip de Winter l’a maintes fois répété… même si des fondateurs sont des fils de nazis flamands.
mais vous avez raison de manière implicite, il n’y a plus d’élites en Belgique et qui pense pour le pays. Comme dirait Emmanuel Todd l’Europe c’est la culture de la deresponsabilisation des élites… La Belgique et de ce qu’il en reste est un cas d’école …
Oui c’est à cause de l’UE que toutes ces formations souverainistes prennent de l’essor, mais c’est aussi à cause de la politique migratoire irresponsable de la Belgique, à cause des accommodements dé (raisonnables) avec certaines formes de d’Islam politique, etc etc, beaucoup de clientélisme et de naïveté, de déni (Molenbeek et la politique de Philippe Moureau). D’ailleurs rien n’a vraiment changé depuis les attentats de 2016. Il suffit de prendre un Thalys pour s’en rendre compte, aucun contrôle à Bruxelles alors qu’il y en a à Paris, n’importe qui peut monter dans ces trains avec n’importe quoi. A ce stade ce n’est pas du laxisme, c’est de la stupidité qui frise la compromission, cela ne coûterait pas un boieng..
Qui a parlé de scandale? Pas moi en tout cas. Personnellement je ne m’inquiète pas de sa probable disparition et je la souhaite même. Mon texte parle d’autre chose..
Le seul souhait que je formule c’est l’évaporation de l’UE plutôt que de la Belgique ! Tous les mouvements d’extrême-droite en Europe, avec leurs spécificités nationales, grandissent sur le terreau de l’impérialisme supranational qui nous administre. Car, en l’absence de toute politique, comme c’est la bureaucratie qui commande au Berlaymont comme à Francfort, nous avons à faire à un système planificateur en train de se gripper. Tout comme la défunte URSS.
Exactement!
Le fonctionnement » a-démocratique « de la CEE présente de nombreuses analogies avec celui de la défunte URSS, la doctrine communiste en moins… mais la plupart des européens s’ en tiennent aux apparences en s’imaginant encore vivre en démocratie.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on peut imaginer l’avenir de cette construction baroque.
@ Michel Rosenzweig
Je vous demande d’éclaircir ce point et vos insinuations proprement odieuses et insultantes balancées en sous main dans votre article vis à vis des fascistes islamistes et selon vos propos suivants :
« Cela nous rappelle un autre « oui mais » prononcé par JL Mélanchon et ses camarades interrogés lors des derniers attentats islamistes. »
Pardon ? C’est quoi encore ces calomnies ?
Il faut vous expliquer plus correctement me semble t-il et déjà faire un effort d’écriture :
JL Mélanchon ? Connais pas !
JL Mélenchon…ah, oui là… je connais bien le combat de cet homme et des membres de son mouvement politique contre l’extrême-droite européenne et conjointement contre la tyrannie religieuse et bien évidemment aussi contre les fascistes Wahhabites de Daesh, financés par la dictature d’Arabie Saoudite et bien d’autres puissances …
Alors quoi ?
@ Michel Rosenzweig
Vous ne répondez pas ? C’était de votre part de simples mots à la volée uniquement pour nuire et déconsidérer un jeune mouvement politique français ?