Pete Seeger est parti. Définitivement cette fois-ci. Comme il le faisait dans les années 40 quand il « brûlait le dur » pour parcourir les États-Unis à la recherche des racines de la musique populaire. Il a sauté dans un train, le dernier, celui qui ne va nulle part, ou peut-être pour ceux qui y croient au paradis des grands hommes.
Pete Seeger était un patriote. Un patriote américain qui chantait en portant chemises à carreaux et gros pulls. Américain, il l’était jusqu’au bout des ongles avec lesquels il pinçait les cordes de ses banjos et guitares. Il est resté, pendant sa très longue vie, fidèle à son pays et à ses convictions, mettant son immense talent et son énergie au service des causes qu’il pensait justes.
Il appartenait à un sous-continent américain dont on a parfois tendance à oublier l’importance. Celui du mouvement ouvrier, qui a donné au monde la fête du 1er mai. Celui de Jack London, écrivain engagé, qui mit son immense plume au service des exploités. Celui d’Eugène Debs, ami de London, infatigable syndicaliste et homme politique, pour lequel un de ses proches dira : «« Ce vieil homme aux yeux brûlants croit en fait qu’il peut y avoir une fraternité entre les hommes. Et c’est la partie la plus drôle de tout ça : aussi longtemps qu’il sera là, j’y croirai moi aussi. » Et l’on pouvait dire exactement la même chose Pete Seeger. Il fut membre du parti communiste américain. Comme Dashiel Hammett, le fondateur du roman noir, tuberculeux magnifique, ruiné et envoyé en prison par le maccarthysme, mais qui ne céda jamais.
Pete Seeger comparut lui aussi devant la commission des activités antiaméricaines. Il refusa de s’exprimer sur ses opinions politiques et philosophiques. Mais il proposa aux inquisiteurs d’interpréter en direct live une de ses chansons… Résultat, un an de prison, que sa popularité empêcha les autorités de faire exécuter. Cette Amérique, c’est aussi celle d’Howard Zinn, auteur de la passionnante « Histoire populaire des États-Unis ».
Et populaire, Pete Seeger le fut immensément. Il faut aller sur YouTube (où il y a tout) entendre ces salles pleines à craquer reprendre tous ses refrains dont tant sont devenus des classiques. Écouter tous ces musiciens, ces chanteurs reconnaître ce qu’ils lui doivent. Il faut lire les hommages rendus dans la presse américaine et la fierté qui en émane. Oui, c’était un patriote américain, et ce pays le reconnaît comme tel. Ce qui prouve s’il en était besoin que l’Amérique, c’est un grand pays et un grand peuple.
Pour ma part, de celui que j’ai écouté pendant 50 ans, la chanson que j’ai envie de retenir, c’est l’hymne syndicaliste «Which side are you on ? ».
De quel côté es-tu ? Je voudrais lui répondre : « ne t’inquiète pas mon ami, du même que toi. Trop tard pour changer ».