L’aveu de Jérôme Cahuzac a provoqué, semble-t-il, une sacrée secousse politique. Mais permis, surtout, la représentation du grand ballet des hypocrites. Le livret est classique, mais la distribution impressionnante. Une troupe pléthorique où les danseurs étoiles sont légion. Premier prix Gérard Filoche. Membre du bureau national du Parti socialiste depuis 20 ans, comme il le proclame, et qui donc n’avait aucune idée, des personnalités et des mœurs de certains dirigeants de son parti. Mesurant, que le scandale est moins dans les acrobaties financières de Jérôme Cahuzac que dans la contradiction avec le rôle qu’il devait jouer en légitimant et organisant la purge de l’austérité, Filoche est venu causer dans le poste. Accueilli avec gourmandise par Michel Field, il nous a fait la scène du sanglot parfaitement surjouée. « Vous vous rendez compte, que vont penser les pauvres ?» Accessit pour Audrey Pulvar venue nous raconter qu’elle était place de la Bastille le 10 mai 1981 (à l’âge de 9 ans, à l’annonce des résultats, elle avait pris le métro à la station Fort-de-France en Martinique, où elle habitait alors). Et que depuis, le Parti Socialiste, c’était juste trop dégoûtant.
Et François Hollande en personne. Dès le premier jour. Martial. Il faut une république irréprochable ! À la manière de Sarkozy, « un fait divers, une loi ! », on nous annonce des textes. Un, en particulier : sur l’inéligibilité à vie pour les hommes politiques condamnés pour corruption ou fraude fiscale. Bien sûr, le Président sait parfaitement que les peines automatiques sont proscrites par la constitution française et la Convention européenne des droits de l’homme. Ça peut amuser la galerie, mais pas trop longtemps. Alors le Président remonte au front. Et propose ce mercredi une série de mesures dont plus de la moitié existe déjà, le reste étant composé de propositions manifestement inconstitutionnelles quand elles ne sont pas ineptes. En tout cas, aucune n’aurait empêché l’affaire Cahuzac.
Pendant ce temps, à gauche, à droite, voire à droite de la droite et à gauche de la gauche, on se repasse l’extincteur de main en main. Les «publications de patrimoine » volent bas, même si elles sont absolument sans intérêt, et ne servent à rien. Amusant, d’ailleurs, de voir certains professeurs de maintien, prudents ou carrément crispés. Affligeant spectacle que cette surenchère d’hypocrisie dont personne ne semble émerger. Personne ? Ah si peut-être, un politique cohérent, et qui n’a pas peur. Et qui en tout cas, sauve un peu l’honneur. En donnant à toutes nos belles âmes une paradoxale petite leçon de dignité.
Il s’agit de Thierry Robert, député-maire (vaguement apparenté Modem, puis divers-gauche) de Saint-Leu à La Réunion. Élu maire pour la première fois en 2008, et triomphalement élu député l’année dernière, c’est quelqu’un de très populaire, un peu provocateur et qui n’a pas sa langue dans sa poche. Rendre public son patrimoine ? Allons-y. Pas de misérabilisme, pas de voitures d’occasion. « Je suis (relativement) riche. J’étais à la tête d’une entreprise de construction et j’ai fait de la promotion immobilière. J’ai gardé une partie de mes constructions en patrimoine. Celui-ci me rapporte en loyer 83 000 € par mois. Tout ceci date d’avant mon entrée en politique. Je n’ai pas honte, et cela présente un avantage, je n’ai pas sollicité ces mandats pour gagner de l’argent. Et comme, je veux être sincère jusqu’au bout, quand j’arrêterai la politique, si je suis fiscalement matraqué, j’envisagerai de faire un petit saut à «l’île sœur » (Maurice) ou la fiscalité est plus favorable. Et il n’y a pas à avoir honte. »
Comme par hasard, les médias ne retiennent que la dernière partie. « Hou les cornes ! » Il est probable qu’il s’en fout. Comme d’être « l’ennemi » de François Hollande, enfin si l’on en croit le discours du Bourget de l’année dernière. Il va sûrement être l’objet de mille et une fatwas démagogues et vertueuses. Il est probable qu’il sera tranquillement réélu.