Vidéos et photos tournent en boucle. Les télévisions du monde entier passent et repassent les images l’on voit, ou plutôt l’on devine, deux hommes se faire bousculer, dénuder et humilier. Et comme toujours, la foule en colère a une très sale gueule. Celui qui a une tête radieuse, c’est le mainstream présent sur les plateaux le lendemain. Qui jubile arborant de belles têtes de vainqueurs. Les condamnations outrées succèdent aux condamnations outrées. Quelques gauchistes improbables trouvent le moyen de justifier voire de revendiquer.
Vouloir simplement expliquer et c’est la bordée d’injures.
Depuis hier, sur les réseaux c’est la bousculade pour le retour à la maison. On cite Victor Hugo, on cite Jaurès, on interdit de citer Elsa Triolet parce qu’elle a été stalinienne. Une avocate brandit les articles du code pénal. On applaudit le parquet de Bobigny pour avoir retrouvé sa célérité auparavant oubliée concernant Claude Bartolone. Eh oui, là il s’agit de poursuivre des salariés. Bonnes gens rassurez-vous le rodéo judiciaire va commencer. La police et la justice veillent. Non mais !
Et ceux qui condamnent les débordements qui sont effectivement condamnables, n’auront en revanche pas un mot concernant Juniac et son ignoble vidéo. Pour sa blague concernant les employés de Qatar Airways qui iraient en prison s’ils s’avisaient d’un arrêt de travail. Cela fait beaucoup rire ceux qui l’écoutent. Pas plus sur l’ahurissante sortie sur le travail des enfants.
Aucune interrogation non plus sur la direction de cette société qui multiplie les catastrophes dirigée qu’elle est par un ancien membre du cabinet de Sarkozy et un ancien membre du cabinet de Manuel Valls. Qui devraient conduire le changement mais n’ont d’autres titres à le faire que leur appartenance endogamique au cercle d’un pouvoir complètement délégitimé.
Non, ce qu’il faut condamner, déplorer et encore condamner ce sont les débordements de ceux à qui on vient d’annoncer leur prochaine mort sociale. C’est une véritable surenchère. On veut bien être de « gauche » mais si les salariés commencent à se mettre en rogne, ça va pas le faire. Le seul qui garde sa dignité, c’est le DRH agressé et humilié qui dit son choc simplement mais surtout sa déception d’avoir échoué dans l’instauration d’un dialogue.
On a cité Hugo, Jaurès et je ne sais plus qui. C’est bizarre on a oublié Flaubert. L’implacable critique de la bourgeoisie, le défenseur des gens du voyage craints par les bourgeois, l’entomologue des petitesses.
Flaubert a eu très peur de la Commune. Après sa chute, il se confie à sa copine George Sand : « Je trouve qu’on aurait dû condamner aux galères toute la Commune, et forcer ces sanglants imbéciles à déblayer les ruines de Paris, la chaîne au cou, en simples forçats. Mais cela aurait blessé l’humanité ; on est tendre pour les chiens enragés. Et point pour ceux qu’ils ont mordus ».
Rien ne change.
Finalement, elle n’avait pas complètement tort Elsa Triolet sur ce coup-là : « la barricade n’a que deux côtés ». Et puis il y a aussi mon copain Pete Seeger qui nous rappelle à l’ordre. Et à qui on répond qu’il n’a pas d’inquiétude à avoir.
Wich side are you on?